Category Archives: Expériences, réflexions et entretiens

En chemin vers l’avenir

En chemin vers l’avenir

Assemblée synodale européenne des évêques à Prague du 7 au 9 février 2023

L’Assemblée européenne du synode des évêques s’est réunie à Prague du 7 au 9 février 2023. Pour chacune des 39 Conférences épiscopales, quatre évêques ou délégués y ont participé. En tant que modérateur d’Ensemble pour l’Europe, j’étais le seul membre de l’Église évangélique invité à y participer. Margaret Karram et Francisco Canzani (Mouvement des Focolari), Cesare Zucconi et Hilde Kieboom (Sant’Egidio), le père Heinrich Walter et Maria Pelz (Schönstatt), et Matthew et Luce (Taizé) étaient aussi présents pour représenter les Mouvements spirituels.

Les responsables ont parfaitement réussi à emmener l’Assemblée européenne dans un voyage d’écoute. Les moments en plénière ont été particulièrement consacrés à l’écoute, lorsque toutes les Conférences épiscopales ont fait le rapport de leurs résultats. Et dans les groupes de travail, il s’agissait alors de s’écouter réciproquement pour entreprendre ensemble le chemin.

Synode vient du grec σύνοδος, syn odos, c’est-à-dire être en chemin ensemble, ce qui est exactement l’invitation du pape François à l’Église catholique.

Parmi les thèmes indiqués par de nombreux pays et sur lesquels le Synode aura à travailler, on trouve ceux-ci : la parité des droits pour les femmes et leur participation aux charges ecclésiastiques ; la question du célibat sacerdotal et de l’ordination de personnes mariées au sacerdoce ; de nouvelles orientations concernant les personnes homosexuelles ; et le cléricalisme.

Synodalité

Que signifie exactement synodalité ? La question est restée ouverte et a été soulevée plusieurs fois. Le Synode trouvera-t-il la voie pour arriver à une décision commune sur les questions ouvertes, ou bien cette assemblée est-elle plutôt un lieu de consultation et c’est aux évêques qu’il appartient de décider ? Les espoirs suscités par le parcours synodal peuvent-ils se réaliser ?

Pour nous, d’Ensemble pour l’Europe, nous pourrons sûrement apporter des expériences valides en termes de synodalité, parce que les processus synodaux ont montré leur validité dans de nombreux Mouvements et Communautés et l’Ensemble lui-même se caractérise toujours par des décisions communes. Ce sont l’écoute réciproque et la concorde, et non la hiérarchie, qui font partie de nos fondements et de notre riche expérience. C’était une joie pour moi que nous ayons été invités : nous avons pu apporter notre contribution par de nombreuses conversations et rencontres personnelles et nous avons sûrement été en mesure de contribuer à une atmosphère d’ouverture et de rencontre, par notre attitude et notre expérience.

Le révérend Martin Michalíček, Secrétaire général du Conseil des Conférences Épiscopales Européennes (CCEE) a bien perçu cela lorsqu’il a participé à nos rencontres des Amis d’Ensemble pour l’Europe à Augsbourg et à Porto et c’est ce qui l’a amené à nous inviter à Prague.

Garder à l’esprit la Parole de Dieu

Lors d’une brève déclaration que j’ai faite publiquement au Synode, j’ai formulé ces trois idées qui me semblaient importantes :

  • « Je me rends compte que le processus synodal a libéré un énorme potentiel d’espérance. Je ne peux que m’en réjouir avec vous.
  • Je souhaite au Synode d’avoir le courage de formuler certains points pour lesquels de réels changements sont nécessaires. Sans ces pas concrets, le potentiel d’espérance pourrait facilement se transformer en résignation.
  • Pour réaliser ces avancées concrètes, je souhaite au Synode la lumière de la Parole de Dieu. Dans le psaume 119, verset 105, on peut lire : ‘’Ta parole est une lampe pour mes pas, une lumière pour mon sentier’’. Ces jours-ci, j’ai constaté avec inquiétude que dans certaines contributions, la sociologie a pris à plusieurs reprises la place de la Parole de Dieu comme fondement normatif».
Veillée de prière à Rome

Je souhaite que le potentiel d’espérance du chemin synodal mondial puisse amener à réaliser des pas courageux de changement, qui aident l’Église sur son chemin vers l’avenir. Il est important d’accompagner ce processus par la prière. A la veille du Synode, la communauté de Taizé organise le 30 septembre à Rome une journée de prière sur le thème : « Ensemble – Rencontre du peuple de Dieu ». En tant qu’Ensemble pour l’Europe, nous soutenons cette initiative et invitons à y participer.

Gerhard Pross

Photo: Gerhard Pross avec Margaret Karram

 

Une bouffée d’air frais à Ensemble pour l’Europe

Une bouffée d’air frais à Ensemble pour l’Europe

Le Comité d’Orientation d’Ensemble pour l’Europe (EpE) à Munich 

Pour leur réunion annuelle, les vingt membres du Comité d’Orientation et quelques invités ont été accueillis par les YMCA de Munich (Allemagne), du 27 au 29 april 2022.

Une bouffée d’air frais a été apportée à la réunion par des jeunes adultes de l’ENC (European Network of Communities), des YMCA, des Focolari et du Mouvement Schönstatt, qui ont réfléchi à l’avenir d’Ensemble avec la première génération du réseau. Les invités ont accompli leur tâche avec sensibilité et respect. Mária Špesová (ENC), de Slovaquie, a déclaré : « Je vois dans EpE quelque chose de sacré qui s’est développé en plus de 20 ans. Je veux entrer sur la pointe des pieds dans sa riche histoire ». Et Georges El Hage (de Syndesmos) : « Ici, je peux exprimer mes pensées librement et je sens que les gens m’écoutent. Nous sommes accueillis avec une grande confiance ».

Programme

De nombreux élans spirituels, des prières et un échange d’idées animé ont alterné dans le programme de ces journées. Le thème récurrent était la guerre en Ukraine. Le premier soir, plusieurs personnes d’Ukraine, de Hongrie, de République tchèque, de Slovaquie, de Roumanie, d’Italie, de Pologne et de Slovénie se sont connectées via zoom et ont fait part des actions humanitaires qu’elles vivaient. « Une nouvelle Europe de la solidarité est en train de naître ici » a réagi un participant italien. Et Zsuzsanna Klemencz (Sant’Egidio/Hongrie) : « Nous devons nous désarmer et laisser les autres nous désarmer. Comment ? En mettant de côté notre arrogance et notre haine ». Cela veut dire un désarmement authentique, a déclaré le Hongrois, et ainsi émergera un « peuple de paix », désarmé pour gagner la guerre. François Deloors (Sant’Egidio/Belgique) a ajouté : « C’est l’attitude que nous essayons de pratiquer entre nous encore et encore, et ainsi, en tant qu’EpE, nous pouvons l’offrir à l’Europe et au monde ».

Porto 2022 et Timisoara 2023

« Je me sens ici chez moi », a déclaré Clotilde Pestana, du mouvement Schönstatt, qui s’était rendue à Munich avec un autre membre du Comité national portugais pour aider à préparer la « Rencontre des Amis » de novembre 2022 à Porto. « Le Portugal a beaucoup à donner à l’Europe : ouverture, hospitalité, une culture riche ». Ce ne sont là que quelques-unes des raisons pour lesquelles la Rencontre des Amis de 2022 se tiendra dans le pays le plus occidental de l’Europe.

En 2023, la Rencontre des Amis aura lieu en Roumanie à Timisoara. Ilona Toth du Comité d’Orientation a fait état de nombreuses conversations et réunions. La rencontre avec le monde orthodoxe et la multiculturalité de l’Europe de l’Est, entre autres, demandent une préparation particulièrement approfondie.

Témoins de ce monde

Face aux grandes souffrances en Europe et dans le monde, il est apparu de plus en plus clairement au cours de la rencontre que EpE est appelé à porter « l’incomplétude » et à descendre dans les fractures de l’humanité que sont l’injustice, la haine et la guerre. « Mais – a souligné Thomas Römer, des YMCA de Munich – nous vivons très probablement un changement d’époque, un bouleversement d’époque, pour ainsi dire. Ne laissons pas le mal l’emporter, mais vainquons-le par le bien ».

Mort et résurrection vont de pair dans l’histoire de l’humanité, a noté Thomas Römer en conclusion, avant d’introduire le renouvellement solennel du pacte d’amour réciproque sur la base de l’Évangile selon saint Jean (13,34). Dans la rencontre fraternelle et avec le Seigneur ressuscité au milieu de tous, EpE est sans cesse un témoignage d’espérance pour notre monde.

Beatriz Lauenroth

Photo: Diego Goller / Photo de groupe: Thomas Barthel, YMCA Munich

Il a fondamentalemente changé

Il a fondamentalemente changé

Le caractère de l’église 3.0

Le caractère de l’Église 3.0 et donc aussi celui de notre rencontre avec 200 personnes a fondamentalement changé avec l’attaque contre l’Ukraine. Toutes les bonnes pensées ont été balayées, car nous avons réalisé à Baar que ce n’est pas le moment de prononcer de belles paroles importantes. Ce moment est plutôt celui où le peuple de Dieu, et donc aussi l’Église, se réunit dans la prière. Une Église nouvellement réunie. Existentiellement réunie. Et qui prie au-delà de toutes les frontières.

« Continuons à prier », c’est ce que nous avons promis il y a quelques jours lors de la grande prière qui a rassemblé plus de 1 000 personnes. Continuons à prier – et nous le faisons : la semaine dernière, l’Autriche a poursuivi la prière, et maintenant c’est nous, qui sommes en présentiel ici en Suisse. Quelle puissance, quand les Communautés et Mouvements se réunissent !

Toute conversation politique est importante et nécessaire, sans aucun doute. Mais l’appel à transformer les cœurs de pierre en cœurs de chair, comme l’ont prié récemment nos frères et sœurs en Ukraine, va de pair. Il s’ajoute et apporte son aide.

Une èglise priante et communautaire  

L’Église 3.0 est une Église qui prie, nous l’avons constaté. C’est une Église communautaire, parce qu’elle se jette dans la prière et connaît une vitalité qui dépend du charisme, et non des chiffres et de la structure. Et c’est une Église blessée qui, précisément pour cette raison, compte sur la compassion de Dieu, et pas seulement sur elle-même.

Alors nous avons prié. Et nous avons ressenti quelque chose de la nouvelle forme de l’Église. Le sentiment d’un nouveau commencement s’est répandu. Et la conscience que dans la prière, la parole et l’action, nous cheminons avec nos frères et sœurs en Ukraine. Nous voyons aussi ce que le désarroi, la peur et l’absence de mots nous apportent dans la prière. Quelque chose va renaître des cendres.

Pour l’instant, que vienne la paix. Seulement la paix, et la possibilité de protéger les personnes. C’est grave lorsqu’elles sont un pion du pouvoir. Et c’est encore plus grave lorsque la vie leur est enlevée à cause de cela. Puisse la force ressentie ici lors de notre rencontre apporter la paix et la vie au monde.

Etre chretiens dans une societe postchretienne, Sr Nicole Grochowina, 12 mars 2022

Source: miteinander-wie-sonst.ch

Photo: Fokolar-Bewegung Schweiz; Dialoghotel Eckstein

Étape par étape, réunion par réunion

Étape par étape, réunion par réunion

La rencontre des groupes et des charismes stimule une nouvelle forme d’Église

Dans chaque réveil charismatique, il y a quelque chose de grand, de beau, d’inconnu. C’est ce dont le groupe germanophone de Schönstatt, actif dans Ensemble pour l’Europe, a pris conscience le week-end du 19-20 février 2022 à Augsbourg et à Munich. Le groupe s’est aventuré à frapper et à entrer dans des rencontres de générations et de charismes.

Vendredi après-midi, nous avons visité la « Maison de Prière » d’Augsbourg. Le lieu de prière du premier étage est inondé de lumière et centrée sur une petite croix en bois suspendue au plafond sur un fond blanc. Devant elle, un groupe musical aux voix magnifiques se produit, chantant à tour de rôle les deux premiers versets du psaume 50, alternant, passant à une conversation approfondie sur ces versets bibliques. Il s’agit d’une manière engageante, éclairante, qui conduit à la louange intérieure.

Samedi après-midi, nous sommes allés à Munich, au Centre de Schönstatt. Quatre jeunes adultes de l’YMCA de Munich et du Mouvement des Focolari étaient venus, ainsi que de vieilles connaissances des mêmes Mouvements qui sont depuis longtemps impliqués dans Ensemble pour l’Europe. Nos objectifs étaient les suivants : être attentifs aux réflexions des jeunes adultes présents / rencontrer d’autres générations et d’autres charismes / partager en toute confiance les impressions de notre rencontre. Notre constat : Ensemble pour l’Europe est une promesse qui nous permet de découvrir une nouvelle forme d’Eglise. Chacun de ces Mouvements est une lumière allumée par l’Esprit Saint. Lorsqu’elles se réunissent, une terre inexplorée devient visible, une Église qui se construit par les Églises, étape par étape, réunion par réunion.

Dimanche, dans les salles de l’Église chrétienne « Vineyard Monaco », nous avons écouté des personnes raconter leur histoire d’un Dieu qui agit concrètement dans leur vie. Comme il est merveilleux de savoir que les chrétiens entrent en contact avec le Dieu de la vie chaque dimanche!

Le pacte d’amour mutuel se concrétise par la rencontre de groupes et de charismes encore inconnus qui cherchent Dieu dans leur vie. Le pacte peut fournir un service important pour saisir ensemble une nouvelle forme d’Église.

P. Hans-Martin Samietz

Photo: Gebetshaus.org / schoenstatt-muenchen.de

Initiatives d’espérance

Initiatives d’espérance

La paix en grand danger: l’Europe prie et espère encore

Les initiatives de prière se multiplient sur tout le continent européen pour demander la paix, en partant des pays les plus directement concernés.

Notre réseau Ensemble pour l’Europe s’est mobilisé lui aussi dans ce sens et a adhéré à ce grand courant de prière pour la paix.

Nous vous signalons ici une initiative: une soirée de rencontre, de compréhension et de prière. Nous nous retrouverons avec quelques frères et sœurs ukrainiens, pour les écouter et prier avec eux pour la paix (en allemand et en anglais).

Mercredi 2 mars, de 19h à 20h 30 (CET), par zoom

(Inscription nécessaire à cette adresse : mfe2021@web.de)

Beatriz Lauenroth

Photo: Ilona Toth

Co-fondateurs d’une Europe moderne

Co-fondateurs d’une Europe moderne

La conférence européenne sur l’avenir du continent

Comment réunir 446 millions de personnes pour échanger leurs idées ? La Commission européenne et le Parlement européen ont créé une plateforme numérique pour connecter les citoyens européens. La conférence vise à formuler de nouvelles réponses pour l’avenir de l’Europe d’ici 2022 et à définir les prochaines étapes de l’intégration européenne.

Cette conférence est un signe des temps. L’avenir de l’Europe n’est pas seulement entre les mains des politiques, mais il est plus que jamais de la responsabilité de chaque personne.

Le dialogue entre les citoyens européens a débuté le 19 avril 2021 sur la plateforme en ligne futureu.europa.eu. Les sujets sont collectés, évalués et publiés dans 24 langues officielles, et des propositions de réforme sont également soumises et discutées.

Les sujets sont répartis en 10 catégories :

  • Changement climatique et environnement
  • Santé
  • Une économie plus forte, justice sociale et emploi
  • L’UE dans le monde
  • Valeurs et droits, état de droit, sécurité
  • Transformation numérique
  • Démocratie européenne
  • Migration
  • Éducation, culture, jeunesse et sport
  • Autres idées

La conférence se poursuivra jusqu’au printemps 2022, date à laquelle une commission résumera les résultats finaux dans un rapport et examinera comment les mettre en pratique.

Ensemble pour l’Europe vous invite à participer à la conférence, que ce soit à titre personnel, ou en tant que groupe dans une ville ou en tant que comité national. De cette manière, des idées, des souhaits et des propositions concrètes pour l’avenir de l’Europe peuvent être exprimés sur la base de l’expérience d’Ensemble pour l’Europe, riche de valeurs chrétiennes.

Pour plus d’informations : futureu.europa.eu

Beatriz Lauenroth

Photo: Pixabay.com

Songes et visions

Songes et visions

Les élèves d’un lycée de Rome et l’avenir de notre continent : la citoyenneté active pour l’Europe commence dans le monde de l’éducation !

C’est vrai, les faits le prouvent ! « Vos vieillards auront des songes, vos jeunes gens auront des visions » (Joël 3,1). Quand les enseignants proposent des stimuli, présentent des idéaux, dévoilent des perspectives, les jeunes savent répondre avec enthousiasme, perspicacité et créativité. Les élèves du Liceo Classico Augusto de Rome et leur professeur Maria Paola Aloi (qui adhère à Ensemble pour l’Europe) en sont un exemple.

Impliqués dans un projet de citoyenneté active sur le thème de l’Union européenne, ils ont identifié et analysé avec sérieux certaines questions brûlantes, à la recherche de solutions. Lors de l’interprétation d’un morceau de musique classique, les élèves ont su lire la métaphore de l’harmonie des différences dans le contexte européen, dans une commune symphonie. En mettant en scène le voyage d’une petite fille sur un bateau voguant vers l’inconnu, ils ont stigmatisé les tragédies horribles qui se déroulent dans nos mers.

Dans une relecture du mythe de l’Europe, ils ont reconnu les racines d’une culture qui contient dans son ADN l’hospitalité et l’accueil du voyageur ou du migrant. Par le biais d’un jeu vidéo imaginaire intitulé “The Game”, ils ont favorisé une réflexion sur l’histoire des migrants sur la route des Balkans. Avec lucidité, ils ont rédigé une lettre fictive au Président du Parlement européen, David M. Sassoli, dans laquelle ils exposaient un plan stratégique à partir du “couloir humanitaire”, concentré sur : Prévention, Secours, Accueil.

Ces initiatives, réalisées également le 10 mai dans d’autres lycées associés, à l’occasion de la Journée de l’Europe, ont été présentées à nouveau le matin du 3 juin lors d’une réunion sur la plate-forme de rencontre, à laquelle ont participé des représentants du réseau italien d’Ensemble pour l’Europe (8 villes italiennes ; 6 Mouvements adhérant à Ensemble pour l’Europe). Irene Loffredo (Mouvement des Focolari), une jeune de Pozzuoli (Naples), a parlé d’une riche expérience de volontariat à la prison locale, par des membres de différents mouvements et Églises ; une expérience qui a entrainé une plus grande humanité et divers changements. Aldo Bernabei (Caterinati) a illustré les projets de l’Union européenne concernant le projet Erasmus et le Corps européen de solidarité : dans ce dernier, 270 000 jeunes seront impliqués dans des activités de solidarité au cours des prochaines années.

Il est maintenant prévu de proposer l’initiative à des écoles d’autres villes, en contactant les enseignants, en proposant des jumelages entre classes et en offrant le soutien des protagonistes de cette expérience.

Informés de l’initiative, les bureaux du Parlement européen de Milan et de Rome ont exprimé conjointement leurs compliments pour l’extrême engagement et le soin mis dans les divers projets réalisés.

Dolores Librale et Ada Maria Guazzo

Photo: Pixabay

Fidélité à l’avenir

Fidélité à l’avenir

Noël approche à grands pas. Cette année sera extraordinaire à bien des égards car l’humanité est encore aux prises au COVID-19. Dans un geste sans précédent, le Pape François avait prié sur la place Saint-Pierre pour la fin de la pandémie le 27 mars 2020. Les paroles de l’Évêque de Rome semblent aujourd’hui plus actuelles que jamais. 

Herbert Lauenroth, membre du Comité d’Orientation international d’Ensemble pour l’Europe (EpE), avait formulé une introduction empathique aux paroles du Pape pour la soirée de prière de la rencontre des « Amis d‘EpE » du 14.11.2020. Sa perspective nous amène « à nous consolider dans notre intériorité (…) sans pour autant nous enfermer dans notre chez moi ou dans notre identité ».  (Le texte complet avec les intercessions est disponible en bas de page pour le téléchargement).

Le Seigneur est bienveillant et miséricordieux, lent à la colère et d’une grande fidélité. Le Seigneur est bon pour tous, plein de tendresse pour toutes ses œuvres (Ps 145). Ces paroles du psalmiste nous introduisent dans cet espace de Dieu, d’un Dieu qui voudrait être reconnu et imploré dans toute sa passion, sa com-passion, sa patience et sa miséricorde, dans la fidélité de son amour de Créateur à toutes ses créations et à la création entière qui est toujours « fidélité créative », « fidélité à l’avenir ».

Nous nous rangeons autour de cet homme frêle, vêtu de blanc, un peu perdu, égaré sur l’immense place Saint-Pierre vide, sous une pluie se déversant sans interruption d’un ciel triste sur ce soir du 27 mars. Nous tournons notre regard, plongé dans le sien, vers la « Ville éternelle », qui, dans toute sa splendeur, semble vide, abandonnée, enfermée dans ses apparences historiques, dans ses monuments, ses mausolées, ses musées, ses fonctions, ses palais, ses lieux de culte, ses rues et ses places désertes ; nous nous rangeons autour de cet homme seul, vêtu de blanc, en qui nous reconnaissons l’Évêque de Rome, et donc notre frère. Mais ce soir, il est aussi un berger sans son troupeau, a last man standing ( un dernier homme debout). Avec lui, nous donnons une visibilité à la communion dans le Christ ; avec lui, nous implorons la Présence réelle du Seigneur : au milieu de nos communautés, de nos diverses dénominations, nations, affiliations ethniques et culturelles, au milieu de nous, au milieu du monde, et ce faisant, nous « disons du bien » avec le Pape François, – « urbi et orbi » – la ville de Rome et toutes les villes, nos pays et toute l’Europe, une Europe qui regarde au monde entier.

Oui, nous nous rangeons autour de l’Évêque de Rome, que nous reconnaissons comme notre frère, poussés par l’expérience du COVID-19 à donner une visibilité à la Communauté Chrétienne, une communauté qui, en ce temps de pandémie, se caractérise comme une expérience de Co-immunité ; une communion qui naît – paradoxalement – des prescriptions et des expériences d’un « distancement social ». En ces temps de communion mondiale croissante, cette crise nous rappelle brutalement la nécessité de nous consolider dans notre propre intériorité, dans notre propre Église, famille, vocation, histoire personnelle – sans toutefois nous enfermer dans notre chez moi ou dans notre identité. C’est seulement ainsi que nous redécouvrons notre véritable racine, notre appartenance commune : celle d’être frères (et sœurs) tous (et toutes), égaux du fait d’être uniques, intimement liés à des êtres absolument distincts : tous frères et sœurs en Christ !

Nous nous déployons alors comme une communauté de prière pour faire écho aux paroles du Pape François, et pour les charger de sens et d’efficacité ; des paroles adressées à Dieu, au nom du peuple de Dieu, par l’intercession de Jésus, de Jésus au milieu de nous, de Jésus abandonné au Père, dont la miséricorde et la com-passion nous ont été rappelées par les paroles du psalmiste.

Le Seigneur est bienveillant et miséricordieux, lent à la colère et d’une grande fidélité. Le Seigneur est bon pour tous, plein de tendresse pour toutes ses œuvres (Ps 145).

2020 11 14 Amis d’EpE online – Priere du soir, Herbert Lauenroth

Regarder « la partition » d’en Haut

« La partition est écrite au ciel ; écoutons ensemble l’Esprit Saint et faisons ce qu’il nous dit ». C’est ce que Chiara Lubich a souligné au début d’Ensemble pour l’Europe (EpE). Un programme auquel les initiateurs d’EpE se sont consacrés sans réserve. Après Chiara (1920-2008) et Helmut Nicklas (1939-2007), Sœur Anna Maria aus der Wiesche (1952-2020) et l’année dernière le Père Michael Marmann (1937-2019) sont récemment arrivés à destination.

C’étaient des personnes si profondément enracinées dans leur Église et leur Communauté qu’elles pouvaient en toute confiance se laisser guider par l’Esprit dans l’immensité d’EpE. C’est à leur témoignage courageux, à leur confiance et à leur sagesse qu’EpE doit son existence et sa réalisation.

Sœur ANNA MARIA AUS DER WIESCHE, Communauté Christusbruderschaft Selbitz  – une femme qui, dans sa douceur, était rebelle, déterminée et prophétiquement douée [1]

Gerhard Pross, du Comité d’Orientation d’EpE, écrit :

Le 31 août 2020, Sœur Anna-Maria nous a quittés. Plein de gratitude, je pense aux 20 années pendant lesquelles elle a contribué à façonner EpE. Avec Thomas Römer et moi-même, elle a animé la « Rencontre de responsables évangéliques  » en Allemagne en 2000, où Chiara Lubich et l’Évêque Ulrich Wilckens ont ouvert la voie au grand événement de réconciliation entre les confessions lors de cette rencontre. Outre sa naissance le 31.10.1999 à Ottmaring, ce fut une heure fondamentale pour EpE et sa mission d’unité. Dès le début, Sœur Anna-Maria a été impliquée dans le Comité d’Orientation d’EpE, modérant conjointement les grands Congrès de Stuttgart en 2004 et 2007, ainsi que le moment de la réconciliation entre les Eglises lors de l’événement de Munich en 2016.

Sœur Anna-Maria avait un talent inné pour le leadership. La clarté et la capacité d’intégration faisaient autant partie d’elle qu’une vision spirituelle précise. Un de ses dons était l’amour des personnes, avec la proximité qu’elle ressentait pour l’individu et en même temps avec la vision d’ensemble. Son don à Dieu, son amour pour l’Église et sa vie pour l’unité ont façonné ses pensées et ses actions. Avec une grande attention, elle observait les signes des temps et était toujours prête à écouter ce qui était important en ce temps-là. Son oui à la vie, sa joie et son rire étaient contagieux.  Sœur Anna-Maria laisse un grand vide. Nous la garderons dans nos cœurs avec gratitude pour ce que nous avons reçu à travers elle.

P. MICHAEL MARMANN – homme de communion, fort et libre  [2]

« Nous pensons que ce processus en cours en Europe est un clair signe des temps. Et les signes des temps sont les voix de Dieu. Le christianisme ne peut pas être seulement une superstructure religieuse, mais il doit prendre la personne dans sa globalité », déclarait le père Marman à la veille de la première manifestation d’EpE à Stuttgart en 2004.

En 1991, il est élu Supérieur Général des Pères de Schoenstatt et est en même temps Président du Présidium Général du Mouvement. À ce titre, il était également un pionnier dans l’ouverture à l’œcuménisme et à la communion entre les Mouvements des différentes Églises. « Il y avait en lui une ouverture naturelle pour une plus grande communion entre les Mouvements spirituels, en particulier dans le réseau « Ensemble pour l’Europe » (…) dans la ferme conviction que l’unité des Eglises et leur réveil est une condition décisive pour un nouveau lien de vie entre le monde autonome et fragmenté et son origine infinie ». [3]

P. Heinrich Walter, a vu en lui une attention et une sympathie “prophétique“, « j’entends “prophétique” comme réponse à un défi d’aujourd’hui qui va au-delà des attentes, réalise des synergies et met en route des processus inattendus »[4]Ce fut également le cas après la veillée de Pentecôte avec Jean-Paul II sur la place Saint-Pierre en 1998, lorsque le Père Michael s’est immédiatement mis d’accord avec Chiara Lubich, Andrea Riccardi, Salvatore Martinez et Frances Ruppert (Cursillos) pour former le premier noyau de la communion souhaitée par le Pape entre les nouveaux Mouvements et Communautés. Déjà l’année suivante, le cercle s’élargissait avec les membres des Communautés de l’Église Évangélique Luthérienne : c’était la naissance de « Ensemble pour… » !

Afin de transmettre aux membres des Mouvements la forte expérience que leurs dirigeants respectifs avaient faite entre eux, une réunion s’est tenue à Munich en 2001. Devant environ 5000 personnes, Chiara a proposé de sceller un pacte d’amour réciproque. Les premiers à être d’accord furent Helmut Nicklas et le père Michael Marmann. Ce « pacte » est devenu la base de tout ce qui s’est développé depuis lors dans l’engagement commun. Merci, Père Michael !

Pour plus d’informations, voir le vidéo-story >>

Compilé par Cornelia Karola Brand, Secrétariat international d’EpE

[1] De la lettre de condoléances d’Herbert Lauenroth, Ottmaring
[2] cfr. Ekklesia, n.4 (2019/3), S.51-53
[3] Nécrologie de P. Theo Breitinger, Provincial des Pères de Schoenstatt, février 2019.
[4] cfr. Ekklesia, n.4 (2019/3), S.51-53
Les projets politiques vivent aussi de la spiritualité

Les projets politiques vivent aussi de la spiritualité

« Ensemble pour l’Europe » a reçu une lettre du Président du Parlement européen, David Maria Sassoli. Il souligne combien les valeurs européennes communes sont nécessaires pour la gestion des crises. Le Président est heureux de rester en contact avec le réseau.

Dans une lettre adressée au « Ensemble pour l’Europe » (EpE), le Président du Parlement européen, David Maria Sassoli, remercie le réseau œcuménique pour son service au continent européen. Il observe que les Pères fondateurs de l’Europe avaient clairement à l’esprit que le projet politique EUROPA ne pouvait fonctionner que s’il se nourrissait également d’une spiritualité vécue. « Les valeurs européennes communes, telles que convenues par les États membres lors de la signature des traités de l’UE, sont plus nécessaires que jamais pour surmonter les crises, notamment l’actuelle pandémie COVID-19 », déclare M. Sassoli.

Combattre les tentations égoïstes et nationalistes

Le président souligne combien il apprécie toutes les initiatives qui « stimulent le débat public sur les questions civiles ». L’intention du Parlement européen et l’engagement du « Ensemble pour l’Europe » voient « une approche commune fondée sur la solidarité et l’idéalisme ». La crise COVID-19, la nécessité d’une plus grande écologie et les relations de l’Union européenne avec les citoyens des pays tiers arrivant sur son territoire « sont autant de questions qui ne peuvent être abordées sans combattre les tentations égoïstes et nationalistes ».

Encouragement pour les prochaines étapes

Le réseau œcuménique considère cette lettre d’appréciation comme un encouragement pour les prochaines étapes. La lettre de Bruxelles souligne que la prière et les actions pour l’Europe, comme celles relatives au 9 mai, contribuent de manière importante à son unité.

Heinrich Brehm / Beatriz Lauenroth

Lettre du Président du Parlement européen David-Maria Sassoli à Ensemble pour l’Europe, 9 juillet 2020

 

 

 

Un événement particulier

Un événement particulier

La Journée de l’Europe 2020 et le Pape François

Depuis six semaines nous sommes en route ensemble. Durant un parcours de prière commun, nous nous sommes imprégnés de la Parole de Dieu et de notre réflexion sur l’Europe (2016). Nous nous sommes souvenus de tous les pays européens dans la prière. Au premier plan se trouvait le désir d’être tous unis et de façonner l’Europe par la force de la prière.

9 mai 2020, la Journée de l’Europe

Notre chemin nous mène maintenant au 9 mai 2020, la Journée de l’Europe. Elle devrait être une journée de rencontre entre les Communautés, les Mouvements et les pays. Mais cette année, la pandémie du Covid 19 nous empêche de nous rencontrer concrètement à l’église, sur les places des villes, dans des réunions conviviales, pour des conférences et pour des prières.

Cela ne signifie pas que les activités de cette journée sont annulées, au contraire: une grande créativité s’exprime dans les conférences digitales, les prières, les groupes de discussion et de dialogues en ligne entre Communautés, Mouvements et représentants politiques, qui qui sont initiés, par exemple, à Utrecht, Graz, Rome, Lyon et Esslingen. Les frontières linguistiques et nationales sont franchies pour réfléchir ensemble sur l’Europe et pour mettre le continent en prière.

Lettre du Pape François

Les événements du 9 mai seront sous la bénédiction papale, puisqu’une lettre du Pape François est arrivée au secrétariat d’Ensemble pour l’Europe à Rome le 22 avril 2020. Le Pape nous remercie pour notre lettre du 12 avril 2020 et nous exhorte au service du bien commun, service inspirés par les valeurs de solidarité, de paix et de justice. Il prie pour nous et envoie à tous la bénédiction apostolique.

Lettre Secrétariat d’Etat, Pape François, 22 avril 2020

Sr. Nicole Grochowina, Christusbruderschaft Selbitz

Photo Pape François:  Pixabay/Manfred Kindlinger

 

 

 

 

 

Jeunes en responsabilité

Jeunes en responsabilité

L’Europe pour l’avenir – L’avenir de l’Europe. František Talíř a 27 ans et son enthousiasme est contagieux quand il parle de démocratie et de réformes.

« Depuis 1989, nous avons senti la brise fraîche de la démocratie et de la liberté en République Tchèque et en Slovaquie. L’adhésion à l’Union Européenne, les voyages et le travail à l’étranger sont maintenant la norme. Mais les pays de l’ancien bloc de l’Est se distinguent de l’Europe de l’Ouest par leur mentalité et leur culture. Vivre ensemble, c’est encore marcher sur la corde raide et maintenant, le Covid-19 nous montre que nos privilèges ne sont pas du tout évidents. »

František est historien et très actif en politique. Aux dernières élections, son parti l’a nommé candidat au Parlement européen à Bruxelles et, pour les prochaines élections régionales, il est le candidat principal de l’Union Démocratique Chrétienne de Slovaquie.

« Nous les jeunes en particulier, nous devons nous intéresser à l’actualité en Europe et dans le monde et prendre l’initiative, par exemple pour aller aux urnes ou adhérer à un parti. Ce n’est pas la démocratie qui doit changer, mais les personnes qui donnent forme à la démocratie. » C’est un long processus, reconnait František, mais il est important de commencer par soi-même et de ne pas chercher à faire porter la responsabilité sur les autres. « Le ‘’Fridays for Future’’, je n’y souscrirais certes pas totalement, mais les jeunes signalent un problème et parviennent à faire réagir des personnes de toutes les générations. »

František conseille aux personnes de prendre conscience de leurs racines pour donner un avenir à l’Europe. « J’ai lu les textes des Pères fondateurs de l’Europe. Adenauer, De Gasperi et Schuman ont eu plus de difficultés après la seconde guerre mondiale que nous n’en avons aujourd’hui. Pourtant, ensemble, ils ont fait de grandes choses. »

Beatriz Lauenroth

František Talíř était présent à la rencontre des ‘Amis de Ensemble pour l’Europe’ à Prague en 2018.

L’interview complète de Maria Motykova avec František Talíř peut être suivie (en tchèque, slovaque et allemand) sur : Podcast Europa per il futuro – Futuro per l’Europa

 

Le défi d’aujourd’hui pour l’Europe

Le défi d’aujourd’hui pour l’Europe

Ensemble pour l’Europe en contact avec l’Union européenne et le Vatican

C’est un moment crucial dans l’histoire de l’Europe et de l’Union Européenne, qui demande la cohésion de tous les intéressés. C’est pour cette raison qu’Ensemble pour l’Europe a écrit aux présidents du Parlement européen, de la Commission européenne et du Conseil européen (David Sassoli, Ursula von der Leyen, Charles Michel) pour les remercier de leur travail et pour les soutenir dans leurs décisions pour lutter contre le Covid-19.

Dans la même lettre envoyée aux trois responsables, il est dit entre autres : « Toutefois, surtout en ce moment, nous voulons nous engager et prier pour l’ensemble et pour la solidarité en Europe. Nous sommes convaincus que l’avenir de l’Europe – et du monde – réside dans l’ENSEMBLE. Maintenant encore, l’Europe peut en donner l’exemple. Et au milieu des immenses défis imposés par la pandémie du Covid-19, nous vous demandons de ne pas oublier les réfugiés et les demandeurs d’asile aux frontières de l’Union Européenne. Nous vous demandons d’adopter promptement des mesures généreuses pour aider et – dans la mesure du possible – accueillir ces personnes. »

Une autre lettre a été envoyée au pape François. Le dimanche de Pâques, il avait expressément invité le monde à faire face ensemble à la pandémie. Le Comité Directeur d’Ensemble pour l’Europe a assuré le Saint-Père de son soutien et de son engagement. « Nous nous sentons particulièrement interpelés par votre appel spécial adressé à l’Union Européenne, un appel à trouver un juste chemin dans ce défi posé à notre époque, sachant bien que pourrait en dépendre ‘’non seulement son avenir, mais celui du monde entier’’ ». Et encore : « Votre appel ‘’à donner des preuves supplémentaires de solidarité en ayant recours à des solutions alternatives’’ rencontre notre profonde adhésion et notre engagement en de nombreux pays d’Europe. »

Beatriz Lauenroth

Photo Von der Leyen / Sassoli:  © European Union 2019 – Source: EP / CC BY  /
Photo Charles Michel:  Belgian Federal Government //premier.fgov.be/nl/biografie
Photo pape François: //www.korea.net/Francis: //www.korea.net/
Sur les pas des Pères Fondateurs

Sur les pas des Pères Fondateurs

23 février 2020 : Journée intergénérationnelle à Bruxelles. 51 Européens – jeunes et adultes – de deux Communautés du réseau Ensemble pour l’Europe lors d’un “voyage commun à la découverte” des lieux emblématiques.

Marie-Agnès Grenier nous écrit de Bruxelles :

« Suite à une demande de Pierpaolo de la Communauté Pape Jean XXIII – nous l’avons connu à Ottmaring pour le vingtième anniversaire d’Ensemble pour l’Europe – Philippe et moi nous sommes mis à leur disposition pour rendre service à un groupe de jeunes et d’adultes (51 personnes) de toute l’Europe qui souhaitaient visiter notre ville. Malgré la pluie et le froid, nous avons pu faire découvrir à nos nouveaux amis quelques aspects de la réalité européenne que l’on perçoit dans la capitale belge.

Quand nous avons visité le Parlement, par exemple, nous avons suivi les différentes étapes de l’intégration européenne, appris le fonctionnement du Parlement européen et mieux compris le travail accompli par les députés pour faire face aux problèmes actuels. On a vu la complexité d’une telle structure et compris à quel point a été fondamentale l’intuition des Pères Fondateurs de l’Union Européenne, qui consistait à construire des rapports nouveaux de collaboration et de confiance entre les différentes nations européennes.

Nous sommes allés ensuite sur la Grand-Place, le centre historique de Bruxelles. Au cours des siècles, elle a été un lieu de rencontres politiques, de procès dans les tribunaux, de fêtes culturelles et religieuses et même d’exécutions.

A la fin de la journée, nous étions enivrés de toute cette richesse historique. Mais avant tout, nous avons senti que les liens entre le Mouvement des Focolari et la Communauté Pape Jean XXIII s’étaient renforcés : nous nous sentions une unique famille. Ensemble, nous avons donné vie à une petite expression de l’Union Européenne. »

Beatriz Lauenroth

Photo: ©Matteo Santini; Photo Planetarium: Wikipedia

Schönstatt en visite au Centre des Focolari

Schönstatt en visite au Centre des Focolari

Des responsables du Mouvement Schönstatt de sept pays d’Europe ont visité il y a quelques temps, avant l’urgence du covid-19, Centre international des Focolari à Rocca di Papa, près de Rome. Ils venaient d’Autriche, de République Tchèque, d’Allemagne, de Grande-Bretagne, d’Italie, d’Espagne et de Suisse. Le groupe était accompagné par le père Heinrich Walter, ancien président du Presidium général de Schönstatt et membre du Comité d’Orientation d’Ensemble pour l’Europe.

« Rencontrer Chiara Lubich », en visitant les lieux où elle a vécu et en priant sur sa tombe, était le premier but de cette visite. Le second objectif était de pouvoir dialoguer avec quelques-uns des responsables du Centre des Focolari, dont le coprésident Jesús Morán. Dans le contexte des transformations ecclésiales, politiques et culturelles en Europe, l’échange a porté sur le rôle des Mouvements et de leurs charismes et sur le sens de la communion entre les Mouvements, en particulier au sein du réseau œcuménique Ensemble pour l’Europe.

Des deux côtés, la rencontre et le dialogue ont été qualifiés de cordiaux, précieux et fructueux. Il ne s’agissait évidemment que d’une étape sur le long chemin de communion et de collaboration entre Schönstatt et les Focolari, qui a commencé en 1998, la veille de la Pentecôte, place Saint-Pierre à Rome, lors de la rencontre des nouveaux Mouvements et nouvelles Communautés voulue par le pape Jean-Paul II.

Diego Goller

STOP!

STOP!

En tête à tête avec Chiara Lubich pour fêter le centenaire de sa naissance

Hier, j’ai entendu ces mots d’un économiste de renom : « Le mal commun nous a appris soudain ce qu’est le bien commun ». Peu de mots pour énoncer une grande vérité, qui nous renvoie à une autre : « … On connaît mieux les choses par leur contraire ». En fait, tandis que nous baissons la tête en priant pour les morts, pour les malades et pour les personnes inconnues qui travaillent en silence dans les hôpitaux et les points clefs de la ville, nous levons timidement les yeux vers le ciel avec au cœur cette certitude : nous vivons des temps de grâce. Si le coronavirus pouvait parler, il nous dirait peut-être : « Arrêtez-vous, ne vous agitez pas, je suis là pour vous aider… ».

Ce « stop », ce coup d’arrêt était sans doute la dernière chose à laquelle s’attendaient les organisateurs du centenaire de Chiara Lubich pour cette année, pour les cent ans de la naissance de la fondatrice du Mouvement des Focolari. L’Italie et nombre de pays sur les cinq continents attendaient de milliers d’invités, personnalités politiques et ecclésiales ou simples personnes, des gens de toutes langues et cultures, pour fêter, mais surtout rencontrer Chiara, qui continue à vivre dans son grand Idéal : l’unité, « Que tous soient un », la prière de Jésus à son Père (Jn 17,21).

« Stop » donc aux célébrations publiques. Pour le moment. « Cela pourra durer des moments, des jours, peut-être des semaines ou des mois… nous ne sommes pas en mesure de le dire » – nous dit Maria Voce, forcément enfermée chez elle, dans un message vidéo qu’elle a adressé en tant que présidente aux membres des Focolari – « Quoi qu’il en soit, ils passeront. Si nous les vivons bien, ils nous feront redécouvrir la présence vivante et forte de Jésus dans l’Évangile vécu, dans le frère, dans la présence de Jésus au milieu de nous que, même à distance, nous pouvons garder dans notre grande famille ; et surtout dans la souffrance aimée, où nous reconnaissons Jésus Abandonné –  “le Dieu de Chiara”, comme aime le définir l’évêque de Trente – En demeurant en Lui, nous la rencontrerons elle aussi et nous apprendrons à avoir son regard sur chaque situation. Nous pourrons nous aussi revivre l’expérience de Chiara et de ses compagnes, qui ne s’étaient presque pas rendu compte de la guerre ni du moment où elle s’était terminée car, complètement prises par Dieu et par son amour, la réalité qu’elles vivaient était plus forte que tout. Tout a commencé par cette foi renouvelée dans l’amour de Dieu ».

Et c’est Maria Voce qui en reçoit les remerciements. Gerhard Pross (CVJM Esslingen, Allemagne), l’un des initiateurs et l’actuel modérateur d’Ensemble pour l’Europe, écrit :

« Chiara Lubich a été une grâce de Dieu toute particulière pour vous, mais aussi pour tout le peuple de Dieu et pour l’humanité entière. La rencontrer a été quelque chose de tout à fait spécial et, grâce au charisme, elle a eu non seulement le don de fonder un mouvement spirituel, mais aussi celui de mettre en actes une multitude d’impulsions fondatrices et novatrices. […] C’est elle qui nous a invités sur le chemin de l’Ensemble, qui, à partir de la rencontre des responsables (février 2000) et de ‘’Ensemble, sinon comment ?’’ le 8 décembre 2001 à Munich, nous a amenés à Ensemble pour l’Europe en mai 2004 à Stuttgart. Elle était certes ‘’primus inter pares’’, la première entre ses égaux, dans le Comité d’Orientation et elle nous a fait avancer, avec amour et avec une vision claire. Le feu de son amour, sa clarté et sa détermination ont donné le coup d’envoi à Ensemble pour l’Europe. […] Mon cœur est reconnaissant et c’est un grand don pour moi de l’avoir connue et d’avoir fait route avec elle. La rencontrer, c’était rencontrer l’amour. Jésus Christ irradiait d’elle, comme j’ai pu en faire l’expérience à nouveau lors de toutes les rencontres que nous avons eues. Elle s’est mise totalement à Sa disposition ».

Le Mouvement Schoenstatt a été lui aussi présent dès les débuts de notre réseau œcuménique et ne pouvait manquer de s’exprimer. Voici ce qu’écrit l’actuel supérieur général, le père Juan Pablo Catoggio, avec son prédécesseur, le père Heinrich Walter :

« Sa grande contribution à cette époque de l’histoire a été d’avoir toujours recherché l’unité, puisant à la force de l’amour pour le Seigneur et de l’amour réciproque, et d’avoir posé des signes concrets d’unité. De ce style de vie est né partout, petit à petit, une nouvelle culture, une culture qui ne se réfère pas seulement aux chrétiens, mais qui s’adresse à toute personne de bonne volonté. Sa contribution est grande parce qu’elle est venue du cœur d’une femme qui n’a eu ni ministère ni pouvoir et qui n’a jamais aspiré à en avoir. Cela nous indique comment l’Église peut à l’avenir être davantage sel et levain dans la société mondiale actuelle ».

« Stop ! » nous ne pouvons pas nous rencontrer. Alors, en tête à tête avec Chiara, nous pouvons lui dire, avec l’équipe coordinatrice d’Ensemble pour l’Europe en Autriche : « Chère Chiara ! Nous nous engageons pour Ensemble pour l’Europe ! Dans ce réseau – par l’écoute de Dieu, les rencontres, la réconciliation – nous voyons la grandeur de ton rêve : construire une Communauté mondiale ».

Ce « stop » et ce silence extérieur nous accompagneront dans le silence intérieur, où nous comprendrons – individus, peuples et nations – quoi changer, et de quelle manière, après cette tempête énorme, mondiale et peut-être bénie.

Avec Gerhard Pross, nous formulons ce souhait: ” Puissent ces moments être le point de départ d’une nouvelle ouverture à la foi en Europe. Et que nous, chrétiens, témoignions et vivions courageusement notre foi. “

Ilona Toth

Photo: Chiara Lubich avec Maria Voce ©CSC Audiovisivi; Photo Chiara Lubich avec Gerhard Pross / avec P. Heinrich Walter ©Severin Schmid; Logo du centenaire de Chiara Lubich ©Movimento dei Focolari

Observations d’un jeune Irlandais

Conleth Burns, un jeune Irlandais, engagé dans le projet “United World Project”, a participé à Ottmaring / Augsbourg à la conférence Ensemble pour l’Europe. Nous vous présentons ici l’article qu’il a publié à son retour sur le site de son projet.  

Eglises et Mouvements chrétiens s’unissent pour être Ensemble pour l’Europe 

Le mois dernier, j’ai eu l’occasion de me rendre à Ottmaring et à Augsbourg, au sud de l’Allemagne, pour participer à une rencontre de trois jours d’un réseau d’Eglises et de Mouvements chrétiens, appelée Ensemble pour l’Europe : 180 personnes de 55 mouvements, communautés et Eglises différentes ont vécu trois jours ensemble dans le partage. Tout était traduit simultanément en 5 langues et le réseau a fêté ses 20 ans d’activité. Je représentais le « Projet Monde Uni » et j’étais venu pour comprendre comment les communautés de foi travaillent vraiment ensemble pour l’unité et pour unir le continent européen.

Nous avons écouté des exposés sur les vingt années de cheminement au cours desquelles un groupe de personnes de tout le continent européen se sont réunies, dans leur identité chrétienne commune pour être ensemble pour toute l’Europe. Nous avons parcouru le continent à travers un partage d’expériences, de rencontres, de prière et d’espérance, de l’Ecosse à l’Ukraine et de la France à la République Tchèque. Lors de cette session, alors que nous faisions ce « voyage », deux questions en particulier me trottaient dans la tête : comment se concrétise ce « être ensemble »? Que signifie être ensemble « pour quelque chose » ?

Comment se concrétise ce « être ensemble » ?

J’ai compris ce que signifie « être ensemble » quand je les ai entendus se lancer le défi d’être des passeurs de frontières proactifs, des ambassadeurs de la réconciliation et des « signes prophétiques pour être ensemble crédibles en Europe ».

Je l’ai compris lorsque nous nous sommes réunis sur une place à Augsbourg, tenant une bougie en main et priant pour un peuple européen plus uni.

Je l’ai compris en écoutant un groupe hétérogène de chrétiens parler d’un chemin qu’ils avaient parcouru en plus de vingt ans, rassemblant des milliers de personnes.

Je l’ai compris quand chaque jour au petit déjeuner, déjeuner et dîner, lorsqu’une personne s’asseyait pour manger, il y avait toujours quelqu’un qui vérifiait d’abord si elle avait besoin de traduction ou quelle était la langue qu’il convenait de parler à table. Il y avait une volonté manifeste que les personnes soient en mesure de comprendre et d’être comprises, d’écouter et d’être entendues.

« Etre ensemble », pour ce réseau, consiste à embrasser la diversité réciproque. Etre uni n’est pas toujours facile pour eux ; ils doivent faire face à des défis sur le plan géographique, théologique et culturel. Pourtant, vingt ans plus tard, ce réseau reste uni. Selon leur propre vision, leur structure est celle d’un réseau et non d’une hiérarchie. Leur vision est une union vraie et authentique dont ils prennent soin depuis plus de 20 ans. Vingt ans d’édification de relations honnêtes et laborieuses.

Pour quoi ?

La mission de  Ensemble pour l’Europe  ne consiste pas seulement dans le fait d’être ensemble pour le plaisir d’être ensemble, mais ils veulent vraiment transmettre un message positif pour une Europe plus unie dans toute sa diversité. Ils veulent donner une âme au continent, en soulignant ses racines historiquement chrétiennes. Durant ces trois jours, ils ont surtout raconté l’histoire de leurs rencontres ensemble des vingt dernières années. Mais l’histoire qui n’est pas racontée est souvent la plus intéressante. Pendant les repas et les pauses, nous avons eu l’occasion de découvrir les moments durant lesquels les personnes qui participent à Ensemble pour l’Europe ont été inspirées à rencontrer de nouvelles personnes, à embrasser de nouvelles idées et à réconcilier la diversité comme résultat des réunions qu’elles ont organisées. Dans un sens, Ensemble pour l’Europe commence lorsque vous quittez une de leurs réunions intracontinentales ou nationales.

Seamus Heaney, le poète irlandais qui a reçu le prix Nobel, termine un célèbre poème de son œuvre ‘Scaffolding’ (‘Echafaudage’) par ces vers : « Nous pouvons laisser tomber l’échafaudage, confiants que nous avons construit notre mur. »

Ensemble pour l’Europe  signifie construire des ponts et non pas des murs. Avec le démantèlement de l’échafaudage qui fête ses vingt ans, ce réseau peut être certain que les ponts ont été construits, que les personnes ont été reliées entre elles et qu’elles continueront sur cette voie.

Source: //www.unitedworldproject.org/watch/20-anni-di-insieme-per-leuropa)

« C’était comme Pâques »

Larisa Musina, chrétienne orthodoxe de Moscou, pro-directrice de l’Institut d’éducation Saint Filaret, a participé à la célébration du 20ème anniversaire d’Ensemble pour l’Europe à Augsbourg/Allemagne en novembre dernier. Elle représentait « Orthodoxe Transfiguration Brotherhood ».

Au cours du congrès, on a rappelé la signature historique de la « Déclaration conjointe sur la doctrine de la justification » du 31.10.1999, le jour de la naissance du réseau œcuménique Ensemble pour l’Europe, l’une des réponses concrètes à la soif d’unité du peuple chrétien.

Nous vous présentons ici des extraits d’un article-interview d’Oleg Glogolev à Larisa Musina dès son retour à Moscou.

« L’évêque luthérien Christian Krause, l’un des deux signataires de la Déclaration en 1999, a assisté à la rencontre de cette année. Il était alors Président de la Fédération Luthérienne Mondiale. Il a dit deux choses importantes. La première, c’est que le chemin vers la Déclaration n’a pas été facile. Il a fallu beaucoup d’efforts pour terminer le XXème siècle sans laisser aux générations futures une division aussi importante. La seconde est qu’il a témoigné d’apprécier beaucoup le travail des Mouvements et des Communautés ecclésiales.

Ce dialogue et les processus associés trouvent leur origine et se développent dans la logique du renouveau de la vie ecclésiale. Il s’agit de maintenir l’authenticité de l’Église chrétienne en développant sa capacité à réaliser sa vocation première dans le monde. Il est intéressant de noter que cette initiative a été prise principalement par les mouvements ecclésiastiques ».

Larisa s’exprime ainsi lors de la soirée solennelle de clôture : « Le soir, nous avons prié ensemble dans l’église luthérienne Sant’Anna, l’église où la Déclaration a été signée. Puis, avec les bougies allumées, nous sommes allés sur la place voisine. Nous avons remercié Dieu pour ses dons, y compris le don de l’unité des chrétiens, où de nombreuses personnes ont donné leur témoignage. Puis, toujours avec les bougies allumées, nous nous sommes dirigés vers la ville. C’était come Pâques. »

Avec la lumière du Ressuscité dans le cœur, les participants sont retournés dans leur pays apporter Dieu au peuple.

Par Beatriz Lauenroth

Source: //psmb.ru/a/eto-bylo-kak-na-paskhu.html

 

 

La splendeur de l’Europe, ce sont ses peuples

Préparer le terrain pour la réconciliation

Walter Kriechbaum est pasteur évangélique et secrétaire des YMCA de Munich (Allemagne). Son cœur bat pour l’Europe et il veut vivre la réconciliation. C’est pourquoi il cultive des amitiés en Pologne et en Ukraine au sein du réseau international et œcuménique Ensemble pour l’Europe.

« En tant qu’Allemand, je me trouve souvent face aux cruautés de l’histoire, au cours de mes voyages en Europe de l’Est. Une fois, avec mes amis polonais, je me suis retrouvé sans voix à Loutsk (Ukraine), sur des lieux de commémoration, là où des milliers de Polonais furent cruellement assassinés et, une autre fois, dans un cimetière, au milieu d’un des plus grands champs de bataille de la seconde guerre mondiale. Mes amis m’ont alors demandé de prier pour les morts, en tant qu’Allemand et que membre de l’Église évangélique, pour demander le pardon et la paix pour nos peuples d’Europe. » Walter Kriechbaum a compris que vivre ensemble la réconciliation peut signifier, entre autres, parcourir le chemin de la désolation avec les autres en faisant siennes leurs souffrances. La réconciliation œcuménique implique d’être attentifs aux dons des autres et de susciter l’espace qui leur permettra de les développer. Pour Walter, la souffrance due à l’unité non encore complète semble être une semence pour l’avenir.

La réconciliation ne réclame pas de représentation proportionnelle

Munich 2016 : durant une prière œcuménique pour l’unité de l’Europe, que Polonais et Allemands avaient préparée ensemble, vingt Russes entre soudain dans l’église. Sur le moment, Walter, qui préside la prière avec un ami polonais, ne sait pas comment gérer cette situation inattendue. Puis il demande à une des personnes du groupe russe de s’avancer et d’apporter sa contribution à la prière. Catholiques, protestants, membres des Églises libres et orthodoxes russes reçoivent à la fin la bénédiction donnée par un prêtre polonais du mouvement de Schoenstatt. Walter : « J’ai appris que la réconciliation œcuménique ne demande ni la proportionnalité, ni de reconnaître qui a raison. Jésus-Christ habite dans le cœur de l’autre et, de façon surprenante, fait en sorte que la différence devienne un complément sans être effacée ».

La réconciliation a besoin de confiance

Au cours de ses nombreux voyages à travers l’Europe de l’Est, Walter continue à construire un réseau d’amitiés : « Mais cela demande patience et persévérance. Il faut souvent des années pour que la méfiance disparaisse. J’ai compris que l’expérience œcuménique ‘’de frontière’’ signifie se sentir proches et lointains en même temps et supporter cette tension. Si nous tournons tous notre regard vers Jésus, une proximité intérieure se développe lentement. Elle ne peut pas être forcée, c’est une œuvre de Dieu ». Pour Walter, la confiance réciproque qui en découle fait que l’on peut parler et crée une liberté intérieure.

La réconciliation demande le détachement

« La réconciliation et la concorde œcuméniques ne peuvent être organisées – dit Walter – nous devons chaque fois être détachés et entrer à nouveau dans le kairos de Dieu. Lui seul connaît le juste moment. » Assurément, on peut ouvrir la route à cette attitude. « Ensemble nous réussirons à faire resplendir l’Europe. Sa splendeur, ce sont ses peuples qui sont en chemin vers la réconciliation. » Walter en est convaincu et, chaque jour, vit pour cela.

Beatriz Lauenroth

 

La vocation d’Ottmaring

VIDÉO – INTERVISTA

Les préparatifs se poursuivent en vue de la célébration des « 20 ans d’Ensemble pour l’Europe ». Ce chemin œcuménique européen original a pris naissance au Centre œcuménique d’Ottmaring, après la signature historique de la Déclaration conjointe sur la justification à Augsbourg (Allemagne).

Severin Schmid a vu naître cette communion dont « la partition est écrite au ciel » et a collaboré à son développement. Nous lui avons demandé comment les choses se sont passées.

Ilona Toth, hongroise, membre de l’actuel Comité d’Orientation d’Ensemble pour l’Europe, a participé en 2018 à la célébration du 50ème anniversaire d’Ottmaring. Quelle est son impression sur ce Centre œcuménique proche d’Augsbourg ?

Découvrir la beauté de la variété

Maria Voce, également connue sous le nom d’Emmaüs, est membre du Comité d’orientation d’Ensemble pour l’Europe. Au sein du mouvement des Focolari dont elle est la présidente, a lieu cet été un événement à dimension européenne. 

Parmi les interviews accordées en vue de ce rendez-vous, nous en avons choisi deux qui nous touchent de près, car elles mettent l’accent sur l’esprit qui anime notre réseau.

Photo: Diego Goller

Relever le grand défi mondial

David Maria Sassoli est devenu le nouveau président du Parlement européen. A cette occasion, nous vous proposons des extraits de son interview du 24 mars 2017, à la veille du 60e anniversaire du Traité de Rome, lorsqu’il avait participé à Rome à la veillée œcuménique et internationale organisée par Ensemble pour l’Europe.

Le reportage est réalisé par la journaliste Claudia de Lorenzi

« Montrer au monde que la fraternité et l’unité sont possibles, malgré les différences culturelles et confessionnelles. » C’est dans cet objectif qu’une veillée de prière œcuménique pour l’Europe >> avait eu lieu à Rome, dans la basilique des Saints-Apôtres. Une occasion qui a réuni des membres du réseau international Ensemble pour l’Europe, en présence de représentants des institutions italiennes et européennes, et qui se déroulait en même temps dans 56 autres villes de toute l’Europe.

Parmi les personnes présentes se trouvait M. David Sassoli, eurodéputé italien du Parti démocrate. Nous l’avions interviewé :

Monsieur Sassoli, à la veille du 60ème anniversaire du Traité de Rome, qui a marqué la naissance de l’Union Européenne, nous constatons de plusieurs côtés que l’Europe a perdu ses racines chrétiennes, centrée comme elle l’est sur la finance, la bureaucratie et les intérêts nationaux, incapable de solidarité et d’accueil, et de planifier un développement centré sur la personne. Qu’en pensez-vous ?

« Il faut tout d’abord que les chrétiens se fassent entendre davantage, et il doit exister dans le monde chrétien des réseaux qui passent le témoin aux autres. Parce qu’il y a des valeurs communes, comme la paix, le vivre ensemble, la solidarité, la justice qui ont certes une matrice chrétienne, mais qui sont aujourd’hui assumées comme paradigme d’engagement politique, culturel et moral de la part aussi de citoyens qui ne sont pas chrétiens. Ce sont ces éléments qui font l’identité européenne. Voilà pourquoi les chrétiens doivent être contents parce que dans l’identité européenne, on retrouve des valeurs du monde chrétien. Mais pour l’instant, nous devons bien l’expliquer à nos citoyens, parce que l’Europe fait peur, suscite l’anxiété, semble être un poids, alors qu’au contraire, nous avons besoin de faire de l’unité des Européens une valeur pour relever le grand défi de ce siècle qui façonnera le marché mondial. La mondialisation non réglementée devient marginalisation, pauvreté, misère, elle peut être catastrophique pour de nombreuses régions de la planète. Le grand pari de l’Europe est de donner des règles et des valeurs au monde. Parce que les règles du marché sans la défense des Droits de l’homme, le sens de la liberté et de la démocratie, ne seraient que des lois économiques où les plus forts l’emportent, nous ne voulons pas de cela.  Donc, le pari est celui-ci : les valeurs chrétiennes qui sont à l’origine de l’identité européenne aujourd’hui sont l’élément qui permettra de relever le grand défi mondial ».

Lire l’interview complète>>

Photo: ©Thomas Klann

 

Chercher ensemble

Les 20 ans d’ « Ensemble pour l’Europe », du 7 au 9-11-2019 à Ottmaring et Augsbourg / Allemagne. La visite de l’évêque régional Axel Piper.

Fin février, seize représentants d’Ensemble pour l’Europe se sont réunis à Ottmaring, pour préparer la rencontre des « Amis » qui aura lieu du 7 au 9 novembre 2019. Ce réseau international est né il y a 20 ans, raison suffisante pour en rappeler les débuts et dégager des perspectives pour l’avenir.

Au cours de sa première visite du Centre Œcuménique d’Ottmaring, Axel Piper, qui est depuis le 1er janvier 2019 évêque régional de l’Église évangélique luthérienne d’Augsbourg et de Souabe, a rencontré Gerhard Pross, Ilona Toth, Herbert Lauenroth et Diego Goller, membres de l’équipe dirigeante d’Ensemble pour l’Europe, afin de mieux connaître cette initiative.

Quelles sont l’expérience de l’évêque Axel Piper et sa vision de l’Église ? Pour lui il ne s’agit pas de structures, mais de « personnes qui cherchent ensemble ». Il dit aussi : « Il suffit d’‘’être curieux’’ – au meilleur sens du terme ». Il attend avec impatience sa nouvelle tâche, « pour connaître de nouvelles personnes, de nouveaux défis et contribuer à mettre en place un nouveau départ dans l’Église et dans la société ». Il a beaucoup apprécié l’initiative d’Ensemble pour l’Europe.

Il a donc déjà réservé sur son agenda les dates des 7, 8 et 9 novembre 2019 pour la rencontre des « Amis » d’Ensemble pour l’Europe.

Beatriz Lauenroth

Foto: © Maria Kny

Porteurs d’espérance

Clarita et Edgardo Fandino, responsables mondiaux des  « Équipes Notre Dame » , vivent à Bogotá en Colombie. Ils ont participé à la récente rencontre des Amis d’Ensemble pour l’Europe à Prague. Nous avons voulu mieux connaître leur expérience.

1)  Quelle a été votre expérience à la rencontre des amis de « Ensemble pour  l’Europe » à Prague ? 

Il est émouvant d’être témoin direct de cette initiative qui, partant des synergies de nombreux mouvements, cherche à donner des réponses d’espérance dans un monde sécularisé en invitant chacun à assumer sa responsabilité devant la société et le monde sans s’isoler, mais en partageant ses richesses évangéliques. Personnellement nous aurions aimé connaître de plus près les charismes spécifiques de chaque mouvement présent, mais nous supposons que d’une part, ils l’ont déjà fait dans d’autres rencontres et d’autre part, le temps limité du programme ne l’a pas permis. Pendant ces deux journées de rencontres, dans les moments libres et de dialogues, nous avons pu partager des expériences avec plusieurs des assistants; nous avons pu noter une ambiance de respect, de fraternité et d’ouverture qui doit être étendue dans  les différents milieux de vie, pour pouvoir être de véritables agents de transformation comme la levure dans la pâte.

2) De votre perspective colombienne, comment voyez-vous l’actuelle Europe ?

Nous n’avons pas participé à cette réunion de Ensemble pour l’Europe en qualité de colombiens mais en tant que responsables du Mouvement des « Équipes Notre Dame », qui a eu son origine en France et qui aujourd’hui est présent dans 92 pays des 5 continents. En tant que colombiens, nous avons noté des grandes différences entre l’Europe et L’Amérique d’aujourd’hui et bien sûr avec notre Colombie natale. L’Europe d’aujourd’hui vit un processus de sécularisation beaucoup plus marqué qu’en Amérique et elle est touchée par des vents de crise et de désintégration avec des tendances séparatistes qui portent atteinte aux institutions et aux régimes en place. Les tendances populistes avec des agitateurs qui polarisent et recueillent des mécontentements sont un problème qui a déjà atteint des dimensions universelles. Aujourd’hui plus que jamais, il est indispensable que nous qui  professons des valeurs de foi, soyons plus actifs à lancer des initiatives de changement qui portent des valeurs transcendantes. Comme le disait  Ernesto Sabato, cet écrivain merveilleux et observateur critique des réalités du monde : « Une chose est certaine, c’est la conviction que seules les valeurs spirituelles pourront sauver la condition humaine d’une catastrophe annoncée. »

3)  Vous êtes les responsables mondiaux du Mouvement « Équipes Notre-Dame » et vous venez de conclure une importante rencontre internationale à Paris. A l’issue de cette rencontre, quels sont vos projets et perspectives pour l’avenir ?

Nous assumons la responsabilité internationale du Mouvement des « Équipes Notre Dame », depuis le mois de juillet dernier à Fatima, au Portugal, où, aux côtés d’environ  9000 assistants, de plus de 70 pays, parmi lesquels on comptait 400 prêtres et évêques, 4000 couples et 200 veufs, nous avons vécu une semaine de rencontre autour de la Parabole de l’Enfant Prodigue, avec comme devise: « Réconciliation, Signe d’Amour ». A la fin de cette rencontre, en guise     d’envoi, nous avons établi les orientations de vie pour les membres du Mouvement, pendant les 6 prochaines années, qui auront comme fil conducteur, la devise: « N’ayez pas peur, allons de l’avant »;  c’est une invitation à agir, en concrétisant notre Vocation et notre Mission à partir de la spécificité de notre charisme: la spiritualité conjugale.

La réunion que nous avons eue récemment à Paris, avec l’équipe responsable internationale, la première des 3 réunions annuelles, qui a déjà été programmée, a eu pour but d’établir la « feuille de route » pour porter à chacun des membres du Mouvement cette devise de Fatima à concrétiser dans leur vie. C’est pourquoi nous avons établi beaucoup de lignes d’action et des défis à l’intérieur et à l’extérieur du Mouvement, toujours en accord avec l’appel que nous lance l’Église et particulièrement le Pape François, d’aller vers les périphéries, en étant des agents de miséricorde. Cet appel est magnifiquement exprimé par le Pape dans sa récente Exhortation Apostolique  Gaudete et Exultate  (GE 26) « Il n’est pas sain d’aimer le silence et de fuir la rencontre avec l’autre, de souhaiter le repos et d’éviter l’activité, de chercher la prière et de mépriser le service. Tout peut être accepté et être intégré comme faisant partie de l’existence personnelle dans ce monde et être incorporé au cheminement de sanctification. Nous sommes appelés à vivre la contemplation également au sein de l’action et nous nous sanctifions dans l’exercice responsable et généreux de notre propre mission. »

Parmi les multiples lignes d’action pour lesquelles nous travaillons, il y a entre autres : l’art d’accompagnement des veufs et veuves, la préparation et l’accompagnement des jeunes au mariage et à leurs premières années de vie conjugale, le travail sur d’autres réalités de la vie conjugale : l’accompagnement des personnes majeures, l’écoute des jeunes…etc.

4) Pourriez-vous nous dire quelque chose de vous-mêmes, votre famille, où vous habitez, votre travail… ?”

Nous sommes un couple colombien, mariés depuis 32 ans, 2 enfants, un fils de 26 ans qui vient de se marier et une fille de 24 ans qui vit encore avec nous. Nous habitons à Bogota, une ville cosmopolite d’environ 8 millions d’habitants. Clarita enseigne la musique et le catéchisme et Edgardo est ingénieur civil en activité. Nous appartenons au Mouvement des « Équipes Notre Dame », depuis 22 ans, dans lequel nous avons nourri notre spiritualité conjugale et où nous avons servi dans différentes instances de responsabilité. Aujourd’hui, nous assumons la responsabilité de l’Équipe Internationale pour les 6 prochaines années. Notre vie est partagée entre le travail professionnel d’Edgardo, le travail aux « Équipes Notre Dame », et les fréquents voyages qu’impose cette responsabilité. Nous sommes convaincus que chacun d’entre nous a une mission et une responsabilité dans ce monde, en étant des porteurs d’espérance et des reflets de l’amour du Christ sur l’humanité, en Le rendant présent dans notre entourage et dans les périphéries vers lesquelles nous devons nous rapprocher.

Clarita et Edgardo Fandino, Bogotá/Colombie

 

Voix de Prague – partie 2

Voix de Prague – partie 2

Rencontre des « Amis d’Ensemble pour l’Europe » à Prague – Brèves interviews avec quelques participants – partie 2

“Pour leur communiquer la beauté”. François Delooz, Communauté de Sant’Egidio, Belgique

“Identity is something what we desperately need!” Pavel Fischer, Senator in the Czech Parliament

“Abbiamo un grande fondamento che ci lega.” Matthias Leineweber, Comunità di Sant’Egidio, Germania

“I realised the strength of the Movements.” Pavel Černý, Pastor, Czech Republic

“Europa ist sehr bewegt”. Valerian Grupp, CVJM Esslingen, Deutschland

La vérité vainc

L’Europe vit des idées qui l’ont fait naître.

Dans le cadre de la préparation à la prochaine rencontre des Amis d’Ensemble pour l’Europe, 3 questions à Jiři Kratochvil, de Prague, spécialiste du dialogue entre les différentes cultures européennes.

Le prochain rendez-vous avec les Amis d’ « Ensemble pour l’Europe » aura lieu à Prague, terre des hussites, du Printemps de Prague et de la Révolution de velours. La grande Histoire du peuple tchèque servira de toile de fond au dialogue entre les participants. Comment mieux comprendre cette Histoire ?

C’est une histoire tourmentée, qui se caractérise par de grands réveils idéalistes et spirituels, par la recherche de la justice et de la vérité, mais qui se sont souvent terminés par d’immenses désillusions. C’est le cas des trois mouvements que vous mentionnez. Le mouvement hussite, qui s’est déchainé après la mort sur le bûcher du prêtre Jan Hus, en 1415, considéré comme un martyr de la vérité par ses disciples. Malheureusement, les guerres qui ont suivi, où il n’était plus question de la vérité, mais du pouvoir, ont complètement dévasté le pays. De même, des siècles plus tard, en 1968, les principaux acteurs du Printemps de Prague voulaient installer un régime socialiste « à visage humain », libéré de tous les mensonges et de la cruauté du passé récent, avec le soutien et l’enthousiasme de toute la nation, comme jamais auparavant. Malheureusement, cet espoir a été détruit sous les roues des chars d’assaut et s’est éteint dans la résignation générale, malgré le sacrifice héroïque de Jan Palach (un étudiant qui s’est immolé par le feu en signe de protestation).

Vient ensuite la Révolution de velours de 1989, dont beaucoup se souviennent. Elle a été conduite par Vaclav Havel et son mot d’ordre : « L’amour et la vérité doivent l’emporter sur le mensonge et la haine ». Personne ne s’attendait à ce que s’ensuive une lutte aussi dure : les valeurs spirituelles des premiers mois, fortement exprimées au cours des manifestations populaires sur les places, se sont éteintes petit à petit, remplacées par le pragmatisme de la « technologie du pouvoir ».

Le drapeau du Président de la République Tchèque porte l’inscription : « La vérité vainc ». En fait, deux mots ont été supprimés de la version originale : « de Dieu ». Soit : « La vérité de Dieu vainc ». Nous sommes certains qu’à la fin de l’Histoire, Sa vérité l’emporte, mais auparavant, peut-être doit-elle subir bien des défaites, comme nous le montre l’Histoire – et pas seulement l’Histoire tchèque – ce qui ne nous dispense pas du devoir de nous mettre toujours de Son côté, celui de la Vérité.

« Ensemble pour l’Europe » veut contribuer à construire l’unité entre l’Europe orientale et occidentale. Quel peut être le rôle de la République tchèque ?

A cause de son histoire religieuse tourmentée, la République Tchèque est un pays très sécularisé. La plus grande partie de la population ne veut pas être identifiée avec une Église. Ce qui ne veut pas dire que les personnes sont athées. Étonnamment, le nombre des athées déclarés diminue. Parmi les gens, surtout les jeunes et les intellectuels, il existe une très forte sensibilité aux valeurs spirituelles et culturelles. Pour preuve, par exemple, l’accueil chaleureux fait en 2009 par la municipalité de Prague au pape Benoît XVI. Peut-être est-ce cette rencontre qui a suscité chez celui-ci l’idée de créer ce qu’il a appelé « la Parvis des gentils », une initiative de dialogue avec le monde « laïc ».

Chercher ensemble différentes formes de ce dialogue, en tant que chrétiens de diverses dénomination unis entre nous, pourrait être une voie pour le projet « Ensemble pour l’Europe ». Les laïcs sécularisés sont dans toute l’Europe, avec des visages et spécificités divers. La République Tchèque pourrait devenir un petit « laboratoire » du dialogue avec eux.

En pensant à l’avenir de l’Europe, quels sont les défis encore à relever pour atteindre le but : l’unité ?

C’est une question très difficile, mais la réponse, même si elle n’est pas simple, me semble assez logique. On dit que chaque nation – et c’est aussi valable pour un continent – vit des idées qui l’ont fait naître. Rappelons-nous d’où est née l’Europe dans laquelle nous vivons aujourd’hui : de Jérusalem (foi), d’Athènes (raison) et de Rome (droit). Sur ces fondements solides se sont développées sa grandeur et sa richesse culturelle, spirituelle et matérielle. Il nous faut aujourd’hui faire face à la situation d’une migration de peuples, semblable à celle du début du Moyen-Age. Le plus grand défi consiste à savoir vivre avec l’altérité des nouveaux arrivants, qui seront sûrement nombreux, parce que les courants migratoires vont continuer, non seulement pour des raisons politiques et économiques, mais avant tout climatiques. Ne nous faisons pas d’illusions : l’Europe telle que nous la connaissons disparaitra tôt ou tard, et aussi pour des raisons de natalité décroissante.

Nous chrétiens, devons être la « minorité créative », en revenant aux racines fortes de notre tradition et à toutes les valeurs authentiques qui en sont nées, sans être fermés aux stimuli nouveaux. Sur cette base spirituelle, en demandant la grâce de Dieu, nous pouvons chercher la nouvelle unité de la nouvelle Europe.

Jiři Kratochvil, né en 1953. Diplômé en économie à Prague. A travaillé de nombreuses années dans plusieurs entreprises d’État dans le secteur de la finance. Après la chute du communisme, a aidé la Caritas à se rénover. A vécu au Canada, en Italie et en Allemagne, outre la République Tchèque et la Slovaquie. Travaille actuellement à Prague en tant que traducteur pour la Conférence épiscopale tchèque.

Photo: Prague: ©Canva; Jiři Kratochvil: privée

Europe dans «l’âge de l’anxiété»

Un engagement renouvelé et accru est nécessaire pour promouvoir une « culture de la confiance », confiance dans le Dieu  « séculaire », présent en ce monde.   

L’intervention de Herbert Lauenroth au le Congrès International de « Ensemble pour l’Europe, Munich 2016 » est encore aujourd’hui plus que jamais d’actualité. En voici le texte complet.

À l’heure actuelle sévient des angoisses et des questions obsédantes concernant le nouveau rapport qui est à équilibrer entre «liberté» individuelle et «sécurité» collective et la signification des frontières – dans le contexte d’une restructuration de la «société du risque» ou “ouverte” vers «la société de l’angoisse”.

Dans le livre de la Genèse, Dieu appelle Adam – dans un moment dramatique: «Où es-tu, Adam ?” – L’appel s’adresse à Adam, qui – dans la honte et l’angoisse – a pris refuge dans le sous-bois et se cache de la vue de Dieu, parce qu’il a pris conscience de sa nudité existentielle et de sa pauvreté. L’image correspond à notre situation actuelle en Europe : L’homme se barricade, il se retranche dans son désespoir. Poussés par l’angoisse et la honte, il reste prisonnier de soi-même, et il ne comprend pas que la libération de l’angoisse et de l’implication coupable ne réussira que s’il s’expose à l’appel de Dieu, à la vue des autres personnes, dans lesquelles Dieu le rencontre depuis toujours.

Donc, l’Europe se trouve dans ce sous-bois, dans ces implications d’angoisse et de honte par les propres limites et histoires de culpabilité. Ce sous-bois, c’est Idomeni, la frontière macédonienne, les barrières de fil de fer barbelé à la frontière serbo-hongroise, mais il représente aussi les exclusions variés de de notre société.
Si vous lisez maintenant le scénario biblique en vue de la transformation de l’Europe en «forteresse» – comme protection contre les réfugiés, l’image acquiert encore une autre lecture : Alors il se présente à nous la souveraine européenne : en tant que celle qui est effectivement sans demeure, sans abri, fugitive – qui est dans la fuite la plus fatale : celle devant soi-même.

L’Europe doit, donc, entendre l’appel de Dieu biblique à nouveau : comme une question de la destinée, de la mission et de la responsabilité pour soi-même et pour le monde: “Europe, où es-tu ?”

Cette image de l’étroitesse existentielle, de laquelle Dieu appelle à en sortir, trouve son pendant dans les visions d’un isolement cosmique de l’homme, dans un espace de monde indifférent, inhospitalier, que le philosophe et mathématicien Blaise Pascal a exprimé : «Le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie ! “. Il s’agit d’un être effaré ou en proie, qui effraie l’homme isolé, abandonné à soi-même ; cela reflète le leitmotiv qui a été décrit comme “perte du centre” ou «sans-abrisme métaphysique». Cette peur de la perte de soi et du monde peut tout aussi bien ouvrir un nouvel espace expérientiel :

Le poète tchèque et président Vaclav Havel, en son temps, dans un bilan des révolutions pacifiques des années 1989-90 en Europe de l’est, a parlé de la peur comme «peur de la liberté” : “Nous étions comme des détenus qui étaient habitués à la prison, puis, libérés du coup dans cette liberté tant attendue, ils ne savaient pas comment traiter avec elle et ils étaient désespérés parce qu’ils devaient constamment prendre des décisions eux-mêmes et assumer la responsabilité pour leur propre vie.”

Il s’agit, selon Havel, d’affronter cette peur. Puis, dans cette vérité, elle peut devenir une bénédiction: “La peur de la propre incapacité peut éveiller en nous de nouvelles capacités : la peur que nous ne réussissons pas, peut être le meilleur moteur pour notre désir de réussir quand-même. La peur de la liberté peut être justement ce qui nous enseigne finalement à faire bon usage de notre liberté. Et la peur de l’avenir peut être justement ce qui nous oblige à tout faire pour que l’avenir sera meilleur.”

Le grand théologien protestant Paul Tillich identifie enfin la peur comme une expérience fondamentale de la connaissance dans l’existence humaine : “Le courage d’être”, dit Tillich, “est enracinée dans le Dieu qui apparaît lorsque Dieu dans l’angoisse du doute a disparu.” Cela signifie que seulement l’expérience de l’angoisse comme expérience de la perte d’un ancien image de Dieu qu’on a considéré comme déterminant et immuable et d’un ancien image de l’homme et du monde, libère, ce qu’appelle Tillich, le «courage d’être”. Le vraie Dieu – divin – apparaît, en quelque sorte, dans le coeur de l’angoisse, et lui seul provoque une libération ou le passage de l’angoisse. Cette expérience conduit l’homme dans l’autre réalité inconnue du monde – et de là vers les horizons plus profonds de l’expérience de l’être. Il se révèle dans le manque présumé d’un visage et d’une histoire du monde comme face de l’Autre.

Donc, il s’agit de descendre dans ces «espaces intérieurs du monde” où se trouvent les angoisses biographiques et collectives et les expériences de la perte, pour y rencontrer le Dieu qui nous sauve. Deux exemples :

Yad Vashem: Ma visite en automne dernier dans le mémorial de la Shoah, je ne l’oublierai jamais : Je suis abasourdi par cette architecture de l’angoisse qui apparaît labyrinthique – jusqu’au «Monument aux enfants”, une salle souterraine, où la lumière des bougies allumées est réfléchie par les miroirs. Dans cette sombre salle de voix incorporelles qui appellent constamment les données de vie élémentaires des victimes innocentes, je ressentis une nouvelle, profonde solidarité, oui, une simultanéité en vue de cette angoisse primaire profonde, d’être non seulement éliminé physiquement, mais d’être effacé aussi culturellement. Le témoignage de ce lieu devient pour moi une propre expérience : donner un lieu au nom perdu, préserver une mémoire du nom de Dieu et de ses créatures. Mon commentaire dans le Livre d’Or est une parole du prophète Isaïe, qui exprime aussi bien ma perplexité que l’intuition de la présence imperdable d’un Dieu parternel : “Ne crains rien, car je te rachète, Je t’appellé par ton nom : tu es à moi! ”

Et par rapport aux grands récits européens de la peur, le philosophe et théologien tchèque Tomás Halik décrit une expérience similaire: “Nous construisons pas le projet audacieux de l’unité européenne sur un sol inconnu ou une friche. Nous le construisons sur un sol avec des strates, dans lequels des trésors oubliés et des débris brûlés sont déposés, où des dieux, des héros et des criminels sont enterrés, où des pensées rouillées et des bombes non explosées reposent. Nous avons besoin de nous mettre en chemin de temps en temps et de regarder dans les profondeurs de l’Europe, dans le pègre, comme Orphée a regardé Eurydice ou le Christ Abraham et les patriarches de l’Ancien Testament.”

Pour moi, ces différentes «descentes dans les profondeurs de la peur» convergent dans le récit du baptême de Jésus dans Matthieu : “Dès que Jésus fut baptisé, il remonta de l’eau, et voici que les cieux s’ouvrirent : il vit l’Esprit de Dieu descendre comme une colombe et venir sur lui. Et des cieux, une voix disait : « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, en qui je trouve ma joie. »

Il s’agit de descendre avec le Christ pour atteindre le zéro, sur lequel il s’ouvre de façon toute surprenante le ciel. Et ici il se manifeste la loi de la vie de Dieu : «Ce qui vient d’en haut, doit pousser d’en bas.” Ainsi, en Jésus, avec leui et par lui se constitue cette communauté fraternelle, solidaire et pluraliste, dans laquelle l’individu se reconnaît comme «fils et filles de Dieu» et dans laquelle la «dignité humaine» et «l’être à l’image de Dieu» forment une unité inséparable.

Dans ses notes “Résistance et soumission” mises par écrit en détention, Dietrich Bonhoeffer voit le coeur de l’identité chrétienne dans la réponse à la demande de Jésus au moment de son agonie à Gethsémani : «Ne pouvez-vous pas veiller une heure avec moi ?” – C’est le invitation à la veillée aux côtés de Jésus, de sa présence tournée vers le Père dans un monde séculier – soi-disant sans Dieu – et cette présence de Jésus transforme divers lieux dans des espace d’expérience et d’attente de vie trinitaire.

La «peur» apparaît dans ce passage clé de l’Évangile comme un lieu privilégié de l’apprentissage de la foi, où convergent nos craintes confuses et “aveugles”, se transforment dans l’authentique et illuminante “crainte de Dieu” de Jésus. Parce que :

  • Dans, avec, par Jésus il se produit la libération et le passe de l’angoisse du Fils vers le Père : Le renoncement présumé du Fils convertit à un don de soi au Père.
  • L’unité grandit comme expérience de la confiance mutuelle dans la sensibilité au mystère de Dieu, de l’altérité de l’autre ; la philosophe juive Simone Weil a trouvé une formulation remarquable pour cette expérience : seulement “le consentement à la distance de l’autre” sans réserve – dit la philosophe française Simone Weil – permet une proximité authentique ; selon Tillich, la réalité complète de Dieu apparaît, après que les images idéologiques de Dieu se sont évanouis.
  • Il s’agit donc de préférer l’inconnu, l’étranger, le marginalisé – comme un “lieu d’apprentissage” de la foi – en, avec, par Jésus.
  • Cela vaut en particulier pour les différents charismes et communautés parmi vous : Lors d’une réunion d'”Ensemble pour l’Europe” en Novembre 2013 à Paris, avec Jean Vanier, fondateur de l”Arche”, il nous est apparu clairement : en fait, la tâche des charismes consiste dans l’accueil du «charisme du monde» et de le refléter justement au monde ; son témoignage était très impressionnant : pas vivre principalement avec et pour les “destinataires” des Béatitudes de Jésus, mais à partir eux. Eux, qui sont apparemment les personnes qui reçoivent, sont, en fait ceux qui sont les vrais doué de Dieu, les donateurs. Ils sont les porteurs d’un message, d’une présence de Dieu, qui doit être portée des bords de notre société à son centre. L’Évêque d’Aix-la-Chapelle et philosophe de la religion Klaus Hemmerle a formulé succinctement : «Laisse-moi apprendre chez toi le message que je dois te transmettre.”
  • C’est précisément cette volonté d’apprendre qui rend les charismes «des intermédiaires disparraissants ” (E. Balibar), des acteurs prophétiques dans nos sociétés ; ils ont surmonté leurs propres craintes de perte et savent désormais créer un espace de la rencontre entre des groupes hostiles, antagonistes ; ils maîtrisent patiemment “la négociation mutuelle du milieu brisé” (de M.Barnes), c’est à dire la “négociation” créative ou le “dégagement” d’un “centre” indéfini, dans laquelle les opposés sont libéré pour la réciprocité.
  • Cependant, cela présuppose l’expérience constante d’une libération de de l’angoisse : la disponibilité dont est fait “Ensemble pour l’Europe” avec la plénitude de ses traditions, de ses horizonts d’expériences et de ses histoires : descendre en, avec, par Jésus dans les abîmes, les histoires des autres avec leur réalité indisponible, qui toutefois veulent trouver un écho, une résonance dans la propre vie de chacun, dans la propre, spécifique tradition, foi et histoire de Dieu – et justement par cela les libérer à elles-mêmes.

Ainsi, il pourrait avoir besoin d’une “inversion de poussée”, d’une véritable metánoia des «pieux», dans la compréhension d’eux-mêmes et du monde, d’une nouvelle foi dans l’amour de Dieu pour le monde, révélé dans le Christ.

Une “conversion” – ou un déplacement de l’accent – du rejet anxieux du «monde» vers une vue, libérée de l’angoisse, sur la réalité de Dieu dans ce monde ; une réalité, qui doit être expérimentée et témoignée d’une façon toute nouvelle : juste à nos frontières. Il convient de surmonter une «herméneutique du soupçon” en vue du «monde» et de grandir de plus en plus dans une «culture de confiance”, donc de grandir aussi dans une confiance en Dieu avec un ton laïc, ce qui est fondé en Jésus.

En jetant le regard en haut, sur le dôme du bâtiment du Circus Krone, nous laisse penser, peut-être, aux trapézistes – en tant qu’interprètes de la libération de l’angoisse, toujours dans le risque de la confiance, en lâchant et en s’étirant de nouveau dans l’espace de l’avenir, comme «le sauteur en suspense” (H.Nouwen). Un moment artistique dans l’intervalle prophétique et aussi toujours précaire de “La Pesanteur et la Grâce”, comme le dit Simone Weil : cet intervalle dans lequel la créature sait d’être toujours maintenue et soutenue, d’être “racheté” de soi-même et libérée vers l’autre :

“Un sauteur doit sauter, et un receveur doit attraper, et le sauteur doit faire confiance, avec les bras et les mains tendus, que le receveur sera là. … Rappèlle-toi que tu es un enfant bien-aimé de Dieu. Il sera là quand tu fais ton long saut. Ne pas essayer de le saisir. Il te saisira. Étends simplement tes bras et tes mains – et fais confiance, confiance, confiance”! 

Herbert Lauenroth, Centre œcuménique de Ottmaring, à Munich, Circus-Krone-Bau, 01.07.2016

Photo: Trapézistes ©Thierry Bissat (MfG); H. Lauenroth: ©Ursula Haaf

 

Les jeunes aiment la concrétisation

L’Europe a-t-elle de l’avenir? Quelle contribution voyez-vous, par exemple, pour les Eglises et les mouvements et communautés chrétiens?

Bien sûr, l’Europe a un avenir! Et les communautés et les Eglises jouent un rôle à la fois individuel mais aussi ensemble, avec le renforcement de la sphère civile. Cette sphère civile qui, avec le temps, fera naître des nouveaux dirigeants politiques, entre temps renforcer et développer l’engagement civique. « Le plus grand problème est causé par ces millions de personnes qui veulent simplement ‘survivre’ » . Ces communautés jouent donc un rôle, car elles apportent une connaissance, exercent et développent leurs propres besoins (par exemple, ordre, liberté, obéissance, responsabilité, égalité, hiérarchie, respect, correction, propriété privée, propriété collective, vérité, etc.)

Le 9 mai ont fait mémoire de la  “Journée de l’Europe” . A quoi vous fais penser cette date ? Comment souhaitez-vous que les Européens fêtent cette date ?

Nous comprenons que cela soit une bonne chose, le choix de la date, ainsi que l’initiative, La question concerne plutôt le “comment”.  On pourrait plutôt penser à une manifestation qui – en plus des conférences interdisciplinaires des différents domaines scientifiques – puisse défier l’ensemble de la société. Pas des manifestations officielles, mais, par exemple, une “manifestation de masse” semblable au projet des capitales de la culture. L’expérience nous fait dire que c’est toujours la politique qui construit les célébrations officielles. Mais ce principe à des fins personnelles éloigne les gens des formulaires officiels.

Si vous étiez président de la Commission européenne (c’est-à-dire, avec un poste en responsabilité et avec des pouvoirs décisionnels), qu’elles seraient les priorités de votre programme pour maintenir et accroître l’union des peuples d’Europe?

En ne voulant pas l’uniformité, viser à la continuité, le renforcement et l’accélération de l’intégration, basée sur la reconnaissance mutuelle de l’identité et de la solidarité. Il est évident que ce système fédéral faible ne fonctionne pas. Nous en avons un exemple aux États-Unis, où même si nous parlons la même langue, mais les formes plus souples sont laissés de côté en faveur de la centralisation. Poursuivre et continuer à élargir les projets internationaux, tels que les ERASMUS, aux chercheurs et aux universitaires, puis, au fil du temps, aussi aux éducateurs et aux enseignants scolaires. Rendre obligatoire une période de six mois à l’étranger pour les étudiants universitaires, quel que soit le sujet d’études. Cours interuniversitaires courts et continus entre pays voisins (par exemple avec des universités d’été).

Comment voyez-vous l’Europe dans le contexte de la politique mondiale aujourd’hui?

Elle fait face à deux défis essentiels. 1. La question de l’unité: si elle ne fait pas l’effort d’être ensemble et de montrer l’unité, elle ne pourra que perdre son poids (voir 2ème question). Deuxièmement : La Corruption: même tout abus, même minime, économique, moral et sexuel, peut porter gravement atteinte à la communauté internationale, qu’il soit commis par un organisme officiel ou par un particulier. Ceci est évitable seulement et avant tout avec un examen continu et unitaire de la conscience (réflexion)

Il semble que les jeunes ne s’intéressent pas tellement à l’avenir de l’Europe. Le voyez- vous, vous aussi comme cela?

Les jeunes aiment ce qui est concret. Les choses insaisissables ne les intéressent pas. Par exemple, le nombre d’étudiants ERASMUS devrait être augmenté et plus d’argent devrait être investi dans des programmes d’études à l’étranger, afin que les jeunes se connaissent mieux. De plus, ils auraient besoin d’objectifs européens concrets dans lesquels ils pourraient croire et ainsi s’enthousiasmer.

Que pensez-vous des tendances populistes? Ne serait-il pas mieux de marcher ENSEMBLE? Mais comment?

Tout d’abord, ils sont la conséquence des dernières crises économiques; et deuxièmement, des conflits armés et des affrontements (par exemple, certaines ingérences étrangères); troisièmement, ils sont causés par le nationalisme, le résultat des différentes réalités déjà évoqué, le nationalisme que l’union représente à peine, tandis qu’au contraire, il est monté par les populistes. Et de plus, les électeurs n’ont pas de relations avec les politiciens européens, mais ils voient et ne connaissent que les leurs, de leur propre nation. Ils sont directement responsables de la manière dont ils transmettent les informations de Bruxelles dans leurs pays respectifs. C’est ainsi le peuple “les croient”. En tout cas, nous devons apprendre à avancer ensemble. comment? voyons les réponses précédentes. La première étape pourrait être le désir d’agir personnellement et ensuite d’assumer une responsabilité collective, reconnaissant son efficacité et son rôle dans son ensemble.

Zsófia Bárány PhD et Szabolcs Somorjai PhD, Hongrie, chercheurs universitaires dans la société, économie de l’âge moderne, politique et histoire de l’Église.

Discussion – Dialogue

 

DISCUSSION

 

DIALOGUE

Convaincre l’autre de son propre point de vue Enquêter et apprendre ensemble
Obtenir le consensus de l’autre Partager idées, expériences, sentiments
Sélectionner le meilleur Intégrer les différentes positions
Justifier, défendre ses propres raisons Comprendre à fond les affirmations des parties
Rejeter les raisons de l’autre, une défense de sa position (valeurs, intérêts) Accueillir et comprendre l’autre
Leadership individuelle Leadership collective
Vision broyées Vision intégrale, une synergie d’opinions diverses
Culture hiérarchique et compétitive: dépendance concurrence, exclusion Culture de la coopération, partnership et inclusion
Victoire / défaite Avantage de tous les participants

 

Voir Pal Toth en Nuova Umanità, XXXVII (2015/3) 219, p. 320  

Illustration: Walter Kostner ©

Europe – un “Projet absolument novateur”

Brève intervention débat de la perspective historique sur les racines religieuses de l’Europe et ses aspects critiques

“Il n’y a pas que les livres, les notions aussi ont leur propre destin”. C’est par ces mots que débute la volumineuse Histoire de l’Occident, que l’historien Heinrich August Winkler a publié, en 2009. Même si Winkler explique, dans ce livre, la particularité de l’“Occident”, il fournit aussi, en même temps, des éléments qui contribuent à réfléchir sur l’Europe ; le fait que les notions et les significations changent, cela peut être réconfortant, menaçant ou un signe d’espoir. Il en est de même en Europe. Il convient donc de jeter un regard intense sur ses pensées. Il en résulte des observations fondamentales sur l’Europe aussi en général, dans laquelle nous pouvons suivre Winkler.

Tout d’abord, l’empreinte commune la plus forte de l’Europe est encore celle de nature religieuse. Ce diagnostic peut surprendre face à des développements séculiers et laïques ; mais la sécularisation étendue de la sorte ne peut être comprise qu’en tant que réaction à une puissante empreinte religieuse, dans laquelle, depuis le début, était enregistrée la distinction entre l’ordre divin et séculaire. Ce critère historique forme les racines de l’Europe, bien que l’histoire de la religion en Europe soit, pour cette raison aussi, une histoire de séparation.

Deuxièmement, l’Europe n’a jamais eu un progrès linéaire. L’Europe n’est pas une histoire continue de succès, plutôt une histoire de reliquats, de destruction, de lancements nouveaux et du rêve toujours renouvelé d’une communauté de valeurs. En plus de cela, cette communauté a surgi uniquement en “collaboration transatlantique” – comme Winkler la définie – , parce que sans la Déclaration des droits de 1776 il n’y a pas une Déclaration des droits de l’homme et des droits civiques. La perspective est donc large.

En troisième lieu, la “contradiction entre le projet de réglementation et la pratique politique” appartient à l’Europe (Winkler, 21) et avec cela le manque de simultanéité des réalisations de ses projets révolutionnaires : la liberté et l’égalité de tous les hommes. Aujourd’hui encore, cela est toujours un idéal en dernier ressorts encore maintenant.

Quelles en sont les conséquences ? La conséquence est, ou celle d’abandonner les projets révolutionnaires de liberté et d’égalité, ou celle de s’en tenir à encore plus intensément  à ses lignes de base. Sur la piste de Winkler, l’Europe “ne peut rien faire d’autre de mieux pour la diffusion de ses valeurs que de s’en tenir à celles-ci et gérer de manière autocritique sa propre histoire, qui, pendant de longues périodes, a été une histoire de violations contre ses propres idéaux” (Winkler, 24) et l’est encore. Cela signifie aussi : ad fontes! Oû sont-elles les racines de ce rêve, de ce projet révolutionnaire– e comment peut-on vivre de cela de nos jours? Et encore, est-il impossible que des Communautés et des Mouvements spirituels puissent avoir ici un rôle spécial ?

Sr. Nicole Grochowina 

Dialogue entre personnes différentes

Voici un stimulant, un enrichissement pour ceux d’entre nous qui, le 9 mai, le “Journée de l’Ensemble pour l’Europe“, souhaitent ouvrir une table ronde pour dialoguer entre des personnes “différentes”, tels que de l’Est et de l’Ouest, du Sud et du Nord, membres de diverses Eglises, croyants ou non, locaux ou réfugiés …

La composition diversifiée de l’Europe

Pour bien comprendre la situation européenne, il est utile de tenir compte de sa réalité géopolitique et culturelle.

L’Europe occidentale est principalement un concept socio-politique et identifie en particulier les pays européens du « premier monde », résultat d’un parcours politique, économique et culturel pluriséculaire, différent de celui de l’Europe de l’Est. Aujourd’hui, l’appellation Europe de l’Ouest est aussi communément associée à la démocratie libérale, au capitalisme et aussi à l’Union Européenne, malgré l’élargissement de celle-ci aux pays de l’Est. La plupart des pays de cette région partagent la culture occidentale qui semble aujourd’hui en crise. On note aussi des différences et des tensions à l’intérieur de l’Occident, par exemple entre le nord et le sud. Ou bien, on peut penser à l’Église d’Angleterre qui, après le Brexit, ne voudra sûrement pas lâcher l’Europe, mais plutôt intensifier ses relations œcuméniques.

L’Europe de l’Est est plutôt un concept géographique, une terre articulée en son sein par des traditions et des problématiques différentes. On peut distinguer culturellement, grosso modo, l’Europe Centrale, les Balkans et les pays de l’ex-Union Soviétique, et d’un point de vue religieux, le monde catholico-protestant et celui de l’orthodoxie, avec des conséquences sur la façon de penser et d’agir. Leur dénominateur commun est la condition du post-communisme avec les tourments sociaux et politiques d’un difficile chemin de démocratisation. Avec l’élargissement de l’Union Européenne à quelques pays de l’Est, il se produit chez les nouveaux États membres une adaptation assez rapide au système occidental économique et juridique, tandis que l’approche culturelle est plus lente.

Construire d’abord une culture de la rencontre

Pour parvenir à un dialogue fructueux entre l’Est et l’Ouest, il faut procéder graduellement sans affronter les problèmes de front. Selon le chemin d’Ensemble pour l’Europe, condensé en 18 années d’expérience et exprimé fortement lors de la grande rencontre de Munich 2016, il est nécessaire de sortir d’une attitude de critique et de défense et de promouvoir une culture de la rencontre, de connaissance réciproque et de réconciliation.

Ces derniers siècles, l’Est a regardé l’Ouest comme un modèle culturel et politique et il a développé une compréhension de ce qui se passe dans les pays occidentaux, alors que les habitants des pays de l’Est doivent souvent constater douloureusement le manque total de connaissances de la part des Occidentaux, avec les incompréhensions qui en découlent. Sans la reconnaissance des valeurs de l’Est de la part de l’Occident, il est impossible de parvenir à l’égalité et à la réciprocité. Cela demande donc humilité, confiance, connaissance et accueil réciproque.

Par conséquent, je pense que notre premier pas devrait être de promouvoir une culture de la rencontre, de créer une plate-forme, une « maison », pour pouvoir dialoguer. Dans cette phase, on pourrait aussi réfléchir sur nos diverses traditions culturelles et nos différentes façons de raisonner, pour nous préparer à un dialogue constructif.

Extrait du discours de Pál Tóth “Culture de la rencontre et du dialogue entre l’Orient et l’Occident en Europe”, Rencontre des “Amis” d'”Ensemble pour l’Europe” – Vienne, 10 novembre 2017

Le discours complet peut être téléchargé >

Les principes du dialogue

Jesùs Moràn est le co-président du Mouvement des Focolari, diplômé en philosophie, docteur en théologie. Il énonce quelques pensées stimulantes pour apprendre le « langage de la fraternité », condensées en 7 points. 

1. Le dialogue est toujours une rencontre personnelle. Il ne s’agit pas de paroles ou de pensées, mais de donner de notre être. Ce n’est pas une simple conversation, mais quelque chose qui touche l’interlocuteur en profondeur. Rosenzweig disait : « Dans le dialogue authentique, il se passe quelque chose de sérieux ». En d’autres mots : on ne sort pas indemne d’un vrai dialogue, il change quelque chose en nous.

2. Le dialogu e demande silence et écoute. Le silence est fondamental pour penser et parler juste. Un silence profond, cultivé avec patience dans la solitude et mis en pratique face à l’autre, à ses pensées, à ses paroles. J’aime ce proverbe hindou : « Quand tu parles, fais en sorte que tes paroles soient meilleures que ton silence ». Aujourd’hui, nous avons besoin plus que jamais – disait Benoît XVI – « d’un écosystème qui sache équilibrer silence, parole, images et sons ». Dans l’exercice du dialogue, nous avons besoin du silence, pour ne pas user les paroles mêmes.

3. Dans le dialogue, nous prenons des risques, nous risquons notre vision des choses, notre identité, y compris culturelle. Nous devons acquérir une « identité ouverte », mûre, et en même temps exercée à cet axiome anthropologique fondamental : « Quand nous nous comprenons avec quelqu’un, nous savons mieux qui nous sommes ». En paraphrasant une idée de Klaus Hemmerle : si tu m’enseignes ta façon de penser, je pourrai réapprendre ma façon d’énoncer.

4. Le dialogue authentique a quelque chose à voir avec la vérité, mais attention : la vérité est une réalité relationnelle (pas relative, ce qui est différent). Cela veut dire que la vérité est la même pour tous, mais chacun met en commun avec les autres sa perception et sa compréhension personnelles de la vérité. La différence est donc un don et non un danger. « Le don de la différence » est un autre pilier de la culture du dialogue.

5. Le dialogue demande de la volonté. L’amour de la vérité me pousse à la rechercher, à la désirer, et à cause de cela, je me mets en dialogue. On pense souvent que le dialogue est une affaire de faibles. C’est bien le contraire : seul celui qui a une grande force de volonté prend le risque du dialogue. Toute attitude dogmatique ou fondamentaliste cache peur et fragilité. Il faut se méfier de ceux recourent habituellement aux cris, emploient des expressions grandiloquentes ou un langage qui discrédite pour imposer leurs convictions. La force brute, dialectique, peut l’emporter, mais jamais convaincre.

6. Le dialogue n’est possible qu’entre personnes authentiques. L’amour, l’altruisme et la solidarité préparent les personnes au dialogue en les rendant authentiques. Gandhi et Tagore avaient une idée très différente du système éducatif à établir dans l’Inde indépendante, mais cela n’a pas fait obstacle à leur amitié. Le pape Jean-Paul II et le président Pertini ont eu, pendant une longue période, une entente profonde sur le destin de l’humanité, tout en évoluant dans des catégories presque opposées.

7. La culture du dialogue ne connaît qu’une loi, celle de la réciprocité. C’est en elle seulement que le dialogue trouve sens et légitimité. Si les nations avaient recours au dialogue avant d’utiliser le silence homicide de la vengeance ou de la richesse ou de l’affirmation personnelle, on nagerait dans le bonheur qui nous fait défaut aujourd’hui. Si les religions dialoguaient pour honorer Dieu, si les nations se respectaient et comprenaient que leur richesse est de rendre l’autre riche, si chacun parcourait un « petit sentier personnel » de nouveauté, on pourrait laisser derrière nous la nuit de terreur dans laquelle nous nous débattons. Quels sont les obstacles sur ce petit sentier ? Le jugement, la condamnation et l’orgueil intellectuel.

La tâche à accomplir est artisanale en raison de l’implication qu’elle demande, sans distractions ni compromis, mais elle est chargée de culture, plus qu’une profession. C’est une activité fatigante et impitoyable, mais la Miséricorde nous vient en aide.

 

Notre “Oui” à l’Europe

Depuis la naissance, il y a 18 ans, d’Ensemble pour l’Europe, l’ objectif fondamental est de s’engager pour l’unité du peuple de Dieu, le deuxième objectif fondamental étant la dimension sociale de l’ensemble pour l’Europe. Cet objectif reçoit un nouveau défi face à la crise européenne actuelle, celui  de vivre ensemble en Europe dans la multiplicité des cultures et des nations.

L’unité est possible

« L’unité et la diversité sont originales de la même manière » s’est ainsi que s’est exprimé  Fr. Franziskus au Congrès de Ensemble pour l’Europe en 2007. De même, Piero Coda écrit: « Si Dieu est Trinité, l’unité et la diversité ne sont pas seulement en contradiction, mais sont originales. de la même manière ». Dès le début, il y a eu une image de l’unité qui reconnaît et affirme la diversité qui nous est donnée par Dieu: l’égalitarisme menace les identités et peut donc mener à la rupture de l’unité dans la diversité. Ceci s’applique à la fois aux sphères politiques et religieuses.

Unité dans la diversité réconciliée

En raison des nombreuses perturbations dans la vie des individus, entre les Eglises et entre les peuples, il y a maintenant un besoin de réconciliation des contraires, afin de parvenir à une unité réconciliée dans la diversité. Cela vaut également pour la diversité des cultures. C’est maintenant le temps de la réconciliation au lieu de la condamnation et de la délimitation. Cela ouvre le futur, parce que le poison du passé perd son effet. Avec cela, le différent et l’étranger perdent leur menace et deviennent un cadeau. Comme réconciliés, nous reconnaissons la richesse de la vie dans la diversité. En tout, Jésus est le centre qui fait de nous un. Il nous donne force et espoir pour l’unité dans la diversité réconciliée, parce que Jésus-Christ a réconcilié le monde avec Dieu.

Vie ensemble comme signe prophétique

Notre Ensemble en Europe est vécu concrètement dans les relations entre nous. Nous nous mettons en chemin pour rendre visite aux autres. L’ensemble en Europe crée de nouvelles relations, apporte la réconciliation et l’avenir. Il fait briller quelque chose de l’essence de Dieu, en ce sens qu’il crée l’unité, c’est-à-dire qu’il est un signe prophétique.

La prière apporte le changement

La prière fait partie du devoir d’Ensemble pour l’Europe. Nous ne voulons pas manquer de prier pour l’Europe. La prière fait changer. Nous change-nous même, change l’atmosphère dans notre pays et en Europe, change le cœur des gens.

Notre espérance et notre OUI à l’Europe

Nous nous engageons pour l’Europe parce que nous l’avons compris comme une mission de la part de Dieu pour nous. Nous disons un Oui décidé pour une Europe de l’unité et de la multiplicité des cultures et des nations. Cela nous est d’une grande lumière à nos yeux une image positive de l’Europe. Nous nous engageons pour une culture de l’ensemble, qui se fonde sur la base de la foi chrétienne. Nous formulons notre espérance pour l’Europe en 5 OUI.

Disons Oui à une Europe de la réconciliation

Le miracle de la réconciliation après la catastrophe des guerres mondiales a fait naître, une nouvelle Europe. La force de la réconciliation, que nous recevons de la foi chrétienne, permet de guérir les blessures historiques et de réconcilier les diversités

Nous disons OUI à une Europe de l’unité dans la diversité.

Nous reconnaissons la diversité comme une richesse. Multiplicité et diversité sont originales de la même manière. Il s’agit de maintenir les deux dans un bon équilibre. Nous sommes heureux avec l’autre et de son charisme. Cette coopération des charismes sert l’unité du peuple de Dieu et l’unité de l’Europe. Nous nous engageons pour une organisation fédérale en Europe. Avec respect et estime, nous prêtons attention à différents points de vue et contextes culturels.

Nous disons OUI à une Europe de rencontre, de dialogue et de paix

La compréhension mutuelle nait de la rencontre. C’est l’une des expériences fondamentales de Ensemble pour l’Europe. Nous disons OUI à une Europe qui cherche le dialogue avec tous et choisit la voie de traiter les différents intérêts. L’Union européenne et le processus d’unité de l’Europe nous ont accordé 70 ans de paix au sein de l’Union européenne. Celui qui insiste trop sur l’élément national rappellera les mauvais esprits nationalistes et mènera à la destruction. Ceux qui nient l’élément national, nient la diversité et empêchent l’émergence d’une communauté européenne. Nous encourageons un dialogue ouvert pour une Europe qui cohabite en paix.

Nous disons OUI à une Europe de la miséricorde et de l’humanité

L’espérance chrétienne a donné l’empreinte de l’histoire de l’Europe. C’est une foi ouverte au monde. L’humanité et la miséricorde ont leur origine en Jésus crucifié et abandonné et donnent l’image au continent. Ils se montrent dans le Oui inconditionnel à la vie, dans le Oui au mariage et à la famille, dans le Oui pour les pauvres et les nécessiteux.

L’Europe est plus que l’euro, plus que l’économie de marché. C’est pourquoi nous nous engageons à construire une Europe basée sur l’héritage judéo-chrétien, ouverte à tous ceux qui pensent et croient différemment. Ainsi nous renforçons l’âme de l’Europe.

Nous disons OUI à une Europe à laquelle Dieu a confié une vocation au cours de l’histoire:

Tout le ciel et la terre, toute la foi et l’incidence dans le monde, parce que le ciel et la terre se rencontrent dans le Crucifix. Dans cette tâche pour l’Europe, nous reconnaissons également la responsabilité pour l’Afrique et le Moyen-Orient.

Le Dieu vivant a beaucoup confié à notre Ensemble. C’est pourquoi nous voulons exprimer notre Oui à l’Europe dans nos mouvements et publiquement.

Gerhard Pross, Vienne, 10 novembre 2017 (Version brève)

Introduction de Gérard Testard

L’Union Européenne est une organisation souvent mal aimée de l’opinion publique. Beaucoup d’hommes politiques ne manquent pas de la critiquer, souvent pour mieux se défendre de leur politique intérieure déficiente.

L’Union Européenne n’est pas exempte de défauts (abondance de normes, complexité, technocratie, éloignement vis-à-vis des peuples…)

Pourtant, grâce à l’union européenne, l’Europe est globalement en paix depuis plus de 70 ans. Robert Schuman est un des « pères de l’Europe » et c’est lui qui a lancé la construction européenne le 9 mai 1950 alors qu’il était ministre des affaires étrangères. Il était une personnalité reconnue, un catholique pratiquant avec une vie spirituelle profonde et faisant preuve de grande valeurs morales. Il sera l’homme providentiel pour œuvrer à la réconciliation franco-allemande, qui se montre un farouche opposant à l’esprit revanchard qui était toujours prêt à surgir. Il prend en cela le contre-pied total du traité de Versailles qui clôturait la Grande guerre.

Lorrain par sa famille, né au Luxembourg et ayant grandi en Allemagne il a toujours été attaché à la France. Il s’est défini comme « un homme des frontières » et il avait une vision pour l’Europe. Pour définir son idéal européen, il a rédigé un petit livre à la fin de sa vie reprenant ses discours et intitulé « pour l’Europe », publié l’année de sa mort en 1963, où il décrit le projet européen, sa vision de la démocratie.  L’essentiel des citations ci-dessous est tiré de cet opuscule.

Citations de Robert Schuman

L’Europe n’a pas été faite, nous avons eu la guerre. L’Europe ne se fera pas d’un coup ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait (Discours du 9 mai 1950)

Toutes les citations qui suivent sont tirée du livre « Pour l’Europe »

La contribution qu’une Europe organisée et vivante peut apporter à la civilisation est indispensable au maintien des relations pacifiques.

L’Europe, avant d’être une alliance militaire ou une entité économique, doit être une communauté culturelle dans le sens le plus élevé de ce terme.

L’unité politique de l’Europe ne signifie pas l’absorption de la nation.

Celui qui n’ose pas s’attaquer à ce qui est mauvais sait mal défendre ce qui est beau.

La démocratie doit son existence au christianisme. Elle est née le jour où l’homme a été appelé à réaliser dans sa vie temporelle la dignité de la personne humaine, dans la liberté individuelle, dans le respect des droits de chacun et par la pratique de l’amour fraternel à l’égard de tous. Jamais avant le Christ pareilles idées n’avaient été formulées.

Avons-nous  fait jusqu’ici fausse route ? Le résultat dépendra dans une large mesure de la valeur des hommes que nous avons en face de nous, du degré de leur sincérité, de la compréhension que nous pouvons escompter chez eux et chez leurs successeurs

L’idée d’une Europe réconciliée, unie et forte, doit être le mot d’ordre des jeunes générations.

L’Europe se fera une âme dans la diversité de ses qualités et de ses aspirations. L’unité des conceptions fondamentales se concilie avec la pluralité des traditions et des convictions, avec la responsabilité des choix personnels. L’Europe contemporaine devra être faite d’une coexistence qui ne soit pas un simple agglomérat de nations rivales, périodiquement hostiles, mais une communauté d’action librement concertée et organisée.

Les frontières conservent leur raison d’être si elles savent transférer leurs fonctions à un niveau spirituel. Au lieu des barrières qui séparent, elles doivent devenir des lignes de contact où s’organisent et s’intensifient les échanges matériels et culturels.

A propos de la déclaration du 9 mai 1950: «Je l’ai faite parce que je crois aux fondements chrétiens de l’Europe».

Gérard Testard

Ensemble pour une Europe ouverte et philanthropique

Lorsque l’«Ensemble pour l’Europe» a été lancé le 31 octobre 1999, jour de la signature de la Déclaration commune sur la doctrine de la justification, il y avait un climat d’espoir.

Un signal d’unité important a été émis, après près de 500 ans de séparation. Diverses communautés spirituelles et mouvements de l’Église protestante et catholique se sont réunis au Centre de vie œcuménique à Ottmaring pour réfléchir comment cette explication fondamentale pourrait être transmise. Cette explication devait avoir un impact sur la vie quotidienne et ne pas rester seulement un texte. Karl Barth disait que le chrétien doit porter la Bible dans une main et le journal dans l’autre.

Au fil des siècles, depuis la Réforme de Martin Luther et d’autres réformateurs, les chrétiens ont provoqué de graves conflits par les divisions et les conflits, et ils ont été incapables de remplir adéquatement leur mission d’être des outils d’unité et de paix. Les divisions étaient un triste signe de faiblesse face aux développements dramatiques qui ont atteint leur apogée au XXe siècle avec les deux guerres mondiales et l’abîme de la Shoah.

Néanmoins, les chrétiens ont toujours été des témoins crédibles. Jean-Paul II a dit dans l’annonce du Jubilé de l’an 2000 que l’Église de notre temps est redevenue, comme jamais auparavant, une Église de martyrs. Cela était un phénomène œcuménique, a dit le pape polonais, qui avait connu l’oppression de l’église dans sa propre biographie. Non seulement parce que cela affecte toutes les dénominations, mais aussi parce que les chrétiens ont déjà vécu une unité de souffrance dans les persécutions des goulags et des camps de concentration que nous devons encore construire. Andrea Riccardi a exposé de façon impressionnante cette histoire dans son livre “Sel de la terre, lumière du monde”.

Grâce à l’événement historique de la déclaration commune, une nouvelle histoire d’unité et de coopération devait commencer. Après tant de divisions et de violences venant d’Europe, les mouvements ont voulu aider à construire une Europe qui contribue à la paix, à l’hospitalité et à l’ouverture. La mondialisation a engendré une unité d’économie, d’argent et de communication, mais il manque l’âme, il manque l’unité des peuples et des cultures dans un vivre ensemble pacifique et ouverte. Ici, les mouvements ont reconnu une vocation, une seconde vocation en plus de celle du propre charisme.

Au cours des 20 années d’histoire commune, nous avons connu différentes phases. Il y avait une période d’euphorie avec l’union monétaire et l’expansion vers l’est en 2004, qui a été ressentie lors du premier grand congrès de Stuttgart. Les mouvements ont voulu renforcer et soutenir le processus d’unification européenne. Car, selon les convictions des pères fondateurs chrétiens de l’unification européenne, qu’on a célébrés au 60e anniversaire du traité de Rome en 2017, ce processus a besoin d’un fondement spirituel. L’Europe a besoin d’une âme, comme nous l’avons souligné à maintes reprises.

Aujourd’hui, le scepticisme s’est répandu en Europe. Il y a des tendances inquiétantes de repli, des murs sont construits, l’Europe devient une forteresse qui exclut et rejette. Une peur diffuse se manifeste dans toutes les sociétés européennes et saisit également les chrétiens. Cette peur dangereuse conduit à des nouveaux nationalismes, à la xénophobie et à l’antisémitisme, jusqu’aux mouvements d’extrême droite et fascistes qui influencent de plus en plus la politique européenne.

Par conséquent, la question de notre vocation en tant qu’ Ensemble pour l’Europe se pose en ce moment avec une nouvelle urgence. À mesure que la confrontation s’intensifie, les chrétiens et les mouvements chrétiens doivent approfondir leur vivre ensemble. Notre chemin est toujours caractérisé par l’hospitalité et l’ouverture. L’unité n’est possible que par l’ouverture, la connaissance mutuelle et l’accueil de l’autre. Surtout dans cette phase historique, l’audace et la prophétie des chrétiens sont nécessaires. Car les tendances actuelles dans nos sociétés européennes sont dangereuses et favorisent la violence ; les pauvres, les réfugiés, les étrangers et tous ceux qui vivent à la périphérie en souffrent le plus.

La journée de l’Europe, le 9 mai, pourrait être un moment opportun pour désigner la beauté et l’enrichissement de l’unité. Nous pouvons montrer que la diversité, l’ouverture, l’hospitalité et l’acceptation de l’étranger ne sont pas un danger, mais un enrichissement pour tous. Des sources de l’Évangile ont émergé de nombreux mouvements avec leurs propres histoires, vocations et charismes. Mais cela n’enlève rien à personne, au contraire, dans la rencontre nous nous sommes enrichis les uns les autres et nous avons approfondi notre propre charisme. Cette expérience est encore plus nécessaire aujourd’hui qu’il y a 18 ans, lorsque notre chemin commun a commencé à Ottmaring.

Pasteur Matthias Leineweber

 

 

Ce qui nous distingue

Chiara Lubich, une des initiatrices d’Ensemble pour l’Europe, a parlé à plusieurs reprises de la communion entre les Mouvements et les Communautés de différentes Églises. Laissons-nous inspirer par cet extrait du discours qu’elle a prononcé à Munich, le 8 décembre 2001, devant les responsables de divers Mouvements catholiques et protestants.

Nous pouvons nous demander en premier lieu : Les Mouvements, sur le modèle de ceux que nous rencontrons dans les principales Églises, sont-ils des inventions imaginées par l’Esprit Saint uniquement pour notre époque ? Mais non ! – sommes-nous forcés de répondre – ils ont toujours existé, tout au long des temps, depuis la naissance du christianisme. Il suffit de jeter un coup d’œil sur notre histoire commune, au premier millénaire, et on les voit déjà apparaître. Pourquoi ? Nous le savons bien. Le christianisme est présent dans le monde par la foi et la Parole vécue. Et nous savons combien les premiers chrétiens ont vécu authentiquement notre religion. Mais nous savons bien aussi, qu’au fil des années, influencés par l’esprit du monde, tous les baptisés n’ont pas été cohérents avec leur foi. C’est alors que le christianisme s’affaiblit, se dilue et, vu qu’il ne peut s’éteindre (« La Puissance de la mort n’aura pas de force contre elle [mon Église] » Mt 16,18), l’Esprit Saint se trouve, pour ainsi dire, dans la nécessité de susciter dans l’Église de nouveaux et importants courants spirituels : ceux de Basile, d’Augustin, de Benoît, etc. Et bien d’autres ensuite, au cours du deuxième millénaire, comme celui de François d’Assise, qui ont eu pour tâche de ramener dans l’Église l’authenticité et le caractère radical de l’Évangile, et ainsi de la renouveler. C’est pour cette même raison que l’Esprit Saint a suscité aujourd’hui nos mouvements modernes. […]

Que s’est-il passé ? On a commencé à vivre la communion de cette manière. D’abord en priant les uns pour les autres ; en s’encourageant et en se soutenant dans les difficultés ; en faisant en sorte que les divers Conseils directeurs se connaissent entre eux ; en s’aidant concrètement quand il y a des besoins, par exemple de salles, de matériel… ; en participant et en collaborant à des manifestations des uns et des autres ; en donnant une place dans notre presse à la présentation des autres Mouvements, etc. […]

Il nous vient alors une question : comment pouvons-nous faire nôtre ce merveilleux plan de Dieu qui laisse prévoir dans l’Église une communion vivante de plus en plus vaste, malgré nos faiblesses et nos échecs ? La réponse est évidente : pour créer partout la communion, il suffirait de mettre en pratique le commandement nouveau de Jésus. […]

« Qui nous séparera de la charité du Christ qui nous a reliés ainsi entre nous ? ». Par notre vie de communion, qui donne au monde un témoignage, le nom de Dieu revient à la mode dans nos rues souvent transies par le matérialisme et la sécularisation. Dans nos maisons, dans nos écoles, sur nos lieux de travail, dans les administrations, nous donnons déjà notre témoignage, et surtout sur les frontières les plus avancées, les lieux où, en général, l’Église n’arrive pas avec les moyens normaux, mais où nos Mouvements sont souvent présents. C’est à cela que l’Esprit Saint nous a appelés et pour cela qu’il nous a particulièrement préparés. […]

C’est pourquoi ce qui devrait nous distinguer, vis-à-vis du monde, ce ne sont pas tant notre prière et toutes ces choses merveilleuses, les pénitences, les cérémonies, les jeûnes, les veilles, la conduite morale, etc., ce qui devrait nous distinguer, c’est uniquement notre amour réciproque, l’unité. Jésus l’a dit : « A ceci tous vous reconnaîtront pour mes disciples : à l’amour que vous aurez les uns pour les autres » (Jn 13,35). A cela, pas à autre chose, et il a dit aussi : « Qu’ils soient un afin que le monde croie » (cf. Jn 17,21).

Commencer par nous-mêmes

Comment vois-tu l’Europe dans le contexte politique mondial actuel ?

Comme un continent dont on parle beaucoup et qui se croit au centre du monde. Est-ce que ce n’est pas très égoïste ? Il n’y a pas que l’Europe qui a des problèmes.

Le 9 mai est la « Journée de l’Europe ». Comment voudrais-tu que les Européens célèbrent cette journée ?

En mettant en évidence ce que nous avons en commun dans l’Europe.

Il semble que les jeunes se préoccupent peu de l’avenir de l’Europe. Qu’est-ce que tu en penses ?

Je pense que ça dépend de chacun. Moi aussi, je pourrais m’y intéresser davantage. Il me semble que la majeure partie s’y intéresse, par exemple ceux qui font des études ou ceux qui commencent à travailler, parce qu’ils veulent un bel avenir pour leurs enfants. L’Europe est notre maison et nous voulons qu’elle soit bien dans l’avenir aussi. Mais il semble parfois que cela n’a pas de sens de s’intéresser à la politique, parce que des personnes qui ont le pouvoir se comportent mal.

Que penses-tu des tendances populistes ? Ne vaudrait-il pas mieux cheminer ensemble ? Comment ?

Je n’aime pas le populisme. Tous ces slogans avant et après les élections… Comment pouvons-nous y croire ? Et qui pouvons-nous croire ? Ça ne me plait pas que ces personnes restent au pouvoir, mais je ne sais pas comment faire pour que ça change et que la justice l’emporte. Nous devons aussi reconnaître les choses positives. Notre peuple veut un changement. Un avenir meilleur est possible. Comme toujours, il me semble que nous devons commencer par nous-mêmes. Ne pas rester dans la critique, mais donner le meilleur à nos proches, à notre famille, aux amis.

Marie Kilbergrova, République Tchèque

La joie d’être européens

Il semble que les jeunes ne sont pas très intéressés par le futur de l’Europe. Est-ce que c’est vrai selon toi?

Selon moi, ce n’est pas vrai. Il y eu a beaucoup qui s’y intéressent, mais ils restent dans l’ombre. On ne voit que ceux qui ne veulent pas que l’Europe soit unie. Ils veulent nous séparer et faire en sorte que chaque Pays  vive pour son propre compte. Et ce sont eux qui sont les plus actifs par rapport à ceux qui veulent l’Europe unie. Et ça, ce doit être un changement important pour chacun de nous qui sommes pro-Européens et pour l’Europe unie.

Comment vois-tu l’Europe dans le cadre de la politique mondiale de ce jour?

L’Europe doit faire preuve d’un grand exemple de démogratie, d’unité et de coopération réciproque. Elle doit prouver que la meilleure façon de vivre, c’est la démogratie.

Le 9 mai, aura lieu la commémoration de la « Journée de l’Europe ». Qu’est-ce que cela signifie pour toi? Comment voudrais-tu que les européens la célèbrent ?

Pour moi, c’est une date importante. C’est une journée au cours de laquelle tout le monde devrait célébrer le fait que nous vivons en paix, tout au moins dans la plus grande partie de l’Europe. Peut-être que certains ne descendront pas dans la rue pour faire la fête – chacun trouvera la façon qui lui conviendra pour le faire, mais chacun devrait sentir la joie d’être un citoyen européen.

Si tu étais le Présicent de la Commission Européenne (c’est-à-dire si tu avais des fonctions de responsabilité et de décisions), qu’est-ce que tu mettrais comme priorité sur ton agenda, pour maintenir et stimuler l’union des peuples de l’Europe ?

Tout d’abord, je dirais à tout le monde que nous sommes tous égaux face à la loi et que nous avons les mêmes droits en tant qu’habitants de l’Union Européenne. Dans les Pays qui font partie de l’Union Européenne depuis peu d’années, les habitants ne voient pourtant  que des différences. Il en résulte que l’Ouest se développe, alors que l’Est reste en arrière. Sur mon agenda, serait écrit: dire aux citoyens de l’UE que nous sommes tous également importants et nécessaires.

L‘Europe a-t-elle un futur ? Quelle contribution voix-tu , par exemple, de la part de l’Église et des Mouvements / des Comunautés chrétiennes?

L’Europe a un énorme avenir !  L’Europe est très importante pour le monde et elle doit être un exemple. Elle doit prouver qu’elle est unie (ce qui est le côté le plus difficile) et elle doit prouver qu’elle est capable d’accepter tout le monde.  La contribution des Églises et des Mouvements doit être celle de prouver à tout le monde que nous ne sommes pas des  « hypocrites », que nous ne disons une chose mais en faisons une autre. Nous devons nous ouvrir aux autres et les accepter. Et cela est valable non seulement pour les immigrés qui viennent de Payx hors de l’UE, mais aussi à l’intérieur de celle-ci : ne pas faire de sifférences entre les personnes de l’Est de l’UE et celles de l’Ouest de l’UE.

Que penses-tu des tendances populistes? Ne vaudrait-il pas mieux marcher ensembles? Mais, comment…?

Cette question est l’une des plus difficiles en ce moment. Nous avons vu, au cours des dernières années, que presque dans tous les pays de l’Union Européenne (et non seulement) ont été élus des partis politiques qui ont eu du succès avec une propagante populiste. Cela a eu lieu au Slovachie aussi. Et ce n’était pas uniquement un parti politique. Au  cours des derniers jours de fébrier 2018, ils ons assassiné, en Slochavie, un journaliste avec sa fiancée. Un garçon de 27 ans. Il était en train d’écrire qu’il y avait un lien entre la gouvernement (différents partis polutistes) et la mafia. De nombreux Slovaques ont décidé de marcher ensemble, de protester et de prouver qu’ils ne veulent plus ce polutisme. Mais, ensembles. En paix, sans violance. Ayant peur, mais sans rage. Cela peut être un exemple sur  comment  « communiquer ensemble ». S’unir non seulement en tant qu’habitants d’une cité, d’un Pays, mais en tant qu’habitants de l’Union Européenne. Comme citoyens européens.

Tomas Angelovic, Slovacchia, 27 ans; Études de sciences politiques ; aussi cours d’études à l’université de Sophia à Loppiano (Italie).

Mettre en commun les ressources

Le 9 mai est la « Journée de l’Europe ». Qu’est-ce qui te vient à l’esprit à propos de cette date ? Comment voudrais-tu que les Européens célèbrent cette journée ?

Je vois cette journée comme l’opportunité pour les pays d’Europe d’oser démarrer des actions transnationales. Il n’y a pas besoin pour cela de programme particulièrement élaboré, mais par exemple un jeu qui aiderait à se connaître et à trouver ce que nous avons en commun au-delà de nos différences. II faudrait peut-être un « lieu de dialogue » informel. L’objectif serait atteint si déjà on ressentait le lien qu’il y a entre nous.

Si tu étais présidente de la Commission européenne, quelles priorités pour la cohésion de l’Europe mettrais-tu dans ton agenda ?

Aucune frontière entre les pays. Là où on peut voyager facilement, on se sent vite à son aise. L’hospitalité de son propre pays pour accueillir les autres serait un début important pour une compréhension et une appréciation réciproques. J’essayerais de mettre en évidence les avantages et enrichissements d’une Europe « ouverte ». Cela demanderait des exemples concrets et des petits résultats déjà obtenus à faire connaître.

L’Europe a-t-elle un avenir ? Quelle contribution vois-tu, par exemple, de la part des Églises et des Mouvements et Communautés spirituelles ?

Ouverture et transparence ! Si l’Église communique ouvertement à propos de son utilisation de l’argent, de ses actions, etc. elle aidera les citoyens à avoir davantage confiance. Si on reconnaît à l’Église un rôle unificateur, on peut penser qu’elle contribue aussi à faire tomber les frontières dans le cœur des gens. Réaliser des initiatives pour les jeunes, créer des espaces où peuvent se rencontrer les personnes du lieu et les migrants, sans lancer des programmes pour les réfugiés, mais pour mettre en lumière la multiplicité des pays et la variété des personnes. L’Europe a un avenir si les personnes commencent à comprendre que chacun peut être une ressource pour l’autre, à cause justement de sa différence. Il suffit d’utiliser de façon juste les compétences et capacités.

Comment vois-tu l’Europe dans le contexte politique mondial actuel ?

Il y a déjà eu beaucoup de choses de réalisées en Europe. C’est un cadeau de pouvoir voyager dans plusieurs pays à l’intérieur de l’Europe et de profiter de collaborations qui ont permis les échanges d’étudiants et l’année sociale de volontariat. Ces expériences devraient être portées à la connaissance de tous, pour que les citoyens des différents pays puissent se rendre compte de ce trésor. L’Europe devrait communiquer davantage sur ses aspects positifs. Nous avons en général une sécurité financière plus stable et une bonne couverture sociale. Est-ce qu’on ne devrait pas être reconnaissants de ce que nous avons déjà.

Il semble que les jeunes se préoccupent peu de l’avenir de l’Europe. Qu’est-ce que tu en penses ?

Mon expérience en tant que jeune, c’est qu’on est un peu écrasés par tout ce qui se passe dans le monde. La politique n’intéresse que quelques-uns, qui sont déjà engagés d’une façon ou d’une autre. Il y a dans le monde beaucoup de problèmes que les jeunes ne peuvent pas résoudre (du moins c’est ce qu’ils pensent) et par conséquent ils s’engagent plus facilement là où des résultats sont immédiats et visibles. La politique est souvent trop compliquée et emploie parfois un langage non accessible à tous. On devrait inciter davantage les jeunes à s’intéresser à la politique, dans la perspective de pouvoir changer quelque chose.

Que penses-tu des tendances populistes ? Ne vaudrait-il pas mieux cheminer ensemble ?

Vu qu’aujourd’hui nous sommes dominés par le capitalisme (je parle de l’Allemagne), il est quasiment impossible qu’il n’y ait pas de tendances populistes. On tend seulement à obtenir toujours plus de profit sans tenir compte des plus faibles. Les personnes qui ne visent que le profit ne trouvent aucun profit à venir en aide aux plus faibles, parce que cela demande du temps, du travail et de la sueur. La classe moyenne est en train de disparaître et le fossé entre riches et pauvres s’élargit. Un vivre ensemble serait possible, mais on doit comprendre qu’on peut aussi trouver du profit avec des personnes qui ont moins d’habileté. Ce profit sera peut-être inférieur, mais on y gagnera en relations humaines, en santé, en valeurs… Il faut avant tout comprendre que si on ne pense qu’à soi, on n’arrivera plus à être heureux. Des personnes qui ont moins, mais qui peuvent compter l’une sur l’autre, ont trouvé un trésor précieux.

Katharina Pinzer, 24 ans, éducatrice, vit à Nuremberg (Allemagne)

L’urgence d’une culture européenne

Si tu étais président de la Commission européenne (c’est-à-dire si tu avais des fonctions de responsabilité et de décision), quelles seraient les priorités sur ton agenda pour maintenir et développer l’union des peuples européens ?

La réforme la plus urgente à mettre en œuvre au niveau européen n’est assurément ni politique ni économique, mais culturelle. C’est-à-dire qu’il faudrait une information capillaire sur le fonctionnement des institutions européennes, on devrait financer massivement des programmes qui interrogent notre choix d’être ensemble et la portée historique de l’expérience d’intégration européenne. On doit investir dans le domaine artistique et culturel (musique, art, cinéma) en visant surtout un public jeune. On doit en fait créer une conscience et un sentiment d’appartenance des citoyens à l’Union.

L’Europe a-t-elle un avenir ? Quelle contribution vois-tu, par exemple, de la part des Églises et des mouvements et communautés chrétiennes ?

Les communautés chrétiennes peuvent être un des fondements sur lesquels se greffera le projet européen dans l’avenir. Le message de communautés implicite dans le christianisme, son aspect de solidarité sociale, la responsabilité civile qui accompagne la croissance spirituelle dans la religion chrétienne est à la base même de notre « être ensemble » et de nous trouver unis dans la diversité. L’Europe est née de grands hommes d’État qui partageaient cet esprit de fraternité et c’est une dimension que nous devons redécouvrir.

Federico Castiglioni (Rome, 17/11/88). Diplômé en Sciences politiques avec félicitations du jury à l’Université Rome 3 et actuellement doctorant en Études européennes à la même université. A publié plusieurs articles de vulgarisation et scientifiques, en italien et en anglais, toujours sur des thèmes liés à l’actualité européenne ou au rôle de l’Union Européenne dans le monde. Est responsable des relations externes des Jeunes Fédéralistes Européens (JEF Italy).  

Être « pour » l’Europe

« S’émerveiller de la puissance de l’Esprit de Dieu pour notre temps ».  Dès le début, le cardinal Walter Kasper a accompagné et soutenu le cheminement d’Ensemble pour l’Europe. Lors du dernier Congrès, le 30 juin 2016 à Munich, il a partagé ce qui lui tient à cœur.  

Chers amis, c’est merveilleux d’être de nouveau avec vous, et encore plus merveilleux de voir ce que vous êtes devenus depuis Stuttgart 2004. Le rêve d’alors commence à devenir une réalité. L’Esprit de Dieu est puissant pour notre temps. Nous avons des raisons de rendre grâce.

1.   Notre rêve a commencé à Augsbourg le 31 octobre 1999. Les chrétiens protestants et catholiques ont déclaré officiellement et conjointement : ensemble nous confessons que Jésus-Christ est notre salut. Beaucoup ont prétendu que cette déclaration ne signifiait rien et qu’elle est restée sans suite. Non, elle n’est pas restée sans suite. Vous êtes cette suite, votre mouvement en est le fruit. Le pape Jean-Paul II avait raison. Cette déclaration a été un jalon déterminant.

Un jalon est une étape sur le chemin, pas le but. La prochaine étape est déjà devant nous : en automne 2016 à Lund, en octobre 2017 à Wittenberg. Il y a encore des sceptiques. Nous disons : 500 ans de séparation, ça suffit ! Cela ne peut pas rester comme ça. Ce serait trahir Jésus-Christ et une honte devant le monde si nous nous en tenions seulement à de belles paroles sans effet.

Nous avons un rêve, mais nous ne sommes pas des rêveurs. Nous savons que l’œcuménisme est une manifestation de l’Esprit Saint dans l’Église. On peut compter sur Lui. C’est lui qui a été l’instigateur du mouvement œcuménique. Il le conduira à son aboutissement. L’unité dans la diversité réconciliée est possible. Dites aux experts de la séparation qui font des réserves : « Nous sommes des experts de l’unité ». Nous l’avons expérimentée : déjà aujourd’hui, elle est possible, bien plus que vous ne pensez ! Chacun peut se lever, chacun peut changer sa façon de penser.

2.  L’unité de l’Église est d’autant plus importante qu’aujourd’hui l’Europe est en danger. « Ensemble pour l’Europe » est plus important qu’avant. Dans cette situation très critique de l’Europe et du monde il ne s’agit pas de nous. Le mot le plus important dans votre programme est « pour ». Ensemble « pour » l’Europe.

Quand j’étais jeune, après le désastre de la deuxième guerre mondiale, l’Europe représentait un projet de paix pour nous les jeunes. Des ennemis allaient devenir amis. Cela a donné 70 ans de paix et de prospérité, plus longtemps que nos ancêtres avaient jamais rêvé connaître. Ce n’est pas un rêve, c’est la réalité, c’est notre avenir. Voilà que maintenant les fantômes d’un égoïsme national, que l’on croyait enterrés depuis longtemps, sortent de leurs tombes et répandent la peur et la terreur.

Chacun de nous aime son pays, sa langue et sa culture. Nous ne voulons pas le nivellement. La diversité de l’Europe est sa richesse. Mais l’amour de la patrie n’a rien à voir avec le nationalisme qui exclut et marginalise, qui construit des murs et des clôtures. L’amour de la patrie est ouvert, il se laisse enrichir et veut enrichir les autres. Par contre, celui qui remonte le pont-levis va bientôt mourir de faim lui-même.

Le processus de paix européen continue. Le pape François dit que l’Europe est en chantier. L’Europe n’a jamais été terminée, elle a toujours été en chantier. Il a toujours été sa force d’intégrer d’autres cultures : les Celtes, les Germains, les Normands, les Slaves, et les Musulmans que nous ne rencontrons pas aujourd’hui pour la première fois.

Après la chute du mur de Berlin, nous avons laissé éclater notre joie, avec des espoirs de communications sans frontières, de démocratie universelle, de droits de l’homme universels. Maintenant, on est arrivé à un autre rendez-vous avec la mondialisation. Les problèmes du monde viennent chez nous. Ce ne sont pas des chiffres abstraits, ce sont des personnes avec des visages. Ce sont des enfants de Dieu. Ils nous posent de nouveaux challenges. Oui, nous devrions construire des ponts. Les ponts ne nivellent pas les fossés, ils créent des chemins au-dessus des fossés. Nous devrions être bâtisseurs de ponts et artisans de paix.

Le rêve du vivre ensemble de tous les chrétiens et du vivre ensemble pour l’Europe continue. Des tâches nouvelles se présentent : nous devrions montrer l’attrait du christianisme à ceux qui arrivent chez nous, montrer qu’être un chrétien est une belle chose. En tant que chrétiens, nous ne pouvons le faire qu’ensemble, protestants et catholiques, si nous mettons de côté nos différences.

Est-ce possible ? Oui ! En tant que chrétiens, nous croyons en la résurrection et en la puissance de l’Esprit de Dieu. Nous croyons que la vie est plus forte que la mort et l’amour plus fort que la haine. Qui d’autre que nous, chrétiens, est appelé à être témoins de l’espérance pour un nouveau vivre ensemble des chrétiens et en Europe ? Jésus-Christ est au milieu de nous, il nous montre le chemin. Son Esprit est avec nous. Ce n’est pas le temps de la peur, c’est le temps de l’espoir.

Cardinal Walter Kasper, président émérite du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens

Télécharger ici :  EpE Munich 2016 – Impulsions de conversation sur le discours du Cardinal W. Kasper du 30 juin 2016, Sr. Nicole Grochowina

L’espérance a-t-elle un avenir ?

On ne compte plus les recherches faites du point de vue religieux, social ou culturel sur l’avenir de notre continent. L’année européenne du patrimoine culturel y porte elle aussi un grand intérêt. Les Mouvements et les Communautés ont-ils une contribution spécifique à apporter ?

Extrait du discours de Michael Hochschild : « La réconciliation avec l’avenir », Ensemble pour l’Europe, Munich, 1er juillet 2016

L’espérance a-t-elle un avenir ou bien notre monde s’est-il empêtré sans espoir dans des crises et des problèmes ? Si l’avenir a encore une chance, comment devrions-nous le nommer, ce nouveau monde ? Et n’aurait-t-il pas besoin du soutien de forces créatives émanant de la société, et même des religions ?

1. L’avenir a besoin d’espérance, si nous ne voulons pas rester englués dans la crise permanente actuelle et céder au désespoir.
2. L’avenir n’a pas seulement besoin de beaucoup d’espérance, mais le monde que nous espérons a aussi besoin d’un autre nom que celui de moderne, car l’évolution de la société moderne est sérieusement compromise et nous souffrons de multiples crises d’orientation. Si l’avenir doit être différent, au bout d’un développement vers quelque chose de meilleur, il y a la société dite post-moderne.
3. S’il en sort à la fin quelque chose de meilleur, cela dépend aussi de nouvelles forces créatives culturelles. C’est ici que pèse dans la balance la contribution des nouveaux Mouvements spirituels et aussi des nouveaux Mouvements sociaux. Avec leurs idéaux élevés, ils visent toujours un avenir et anticipent déjà en vue de celui-ci une partie du programme de la société et des Églises. Bref, ils montrent déjà aujourd’hui ce que pourrait être demain.

Les défis sont au nombre de deux : d’une part, nous sommes plongés dans une crise profonde du système de la société moderne. Il ne suffit plus maintenant de s’adapter en continu aux nouvelles situations : un changement radical de la civilisation moderne est en marche et exige de nous une nouvelle façon de penser et d’agir.
Le deuxième défi réside dans les nouveaux Mouvements spirituels eux-mêmes : leur foi, leur engagement et tout spécialement leur confiance sont extrêmement utiles sur le chemin qui nous conduira hors de la crise, parce qu’ils sont créateurs de cette nécessaire confiance en l’avenir. Mais les nouveaux Mouvements doivent se reconnaître comme des forces culturelles créatives plus fortement qu’ils ne l’ont fait jusqu’à présent et se comporter en conséquence. En un certain sens, ils doivent devenir davantage des Mouvements avec engagement social.

Il faut aujourd’hui regarder vers l’avant, autrement dit : se réconcilier avec l’avenir.

Les nouveaux Mouvements sociaux et encore plus les nouveaux Mouvements spirituels sont vraiment faits pour cela. Les visions de l’avenir leur appartiennent comme la carte d’adhésion à une organisation. Les Mouvements ne proposent pas seulement des alternatives concrètes pour d’autres orientations de vie, mais surtout ils élargissent des chemins étroits, aplanissent les difficultés. Voici l’exemple d’un individu moderne : à cause de cela, il se développe à nouveau en lui une personne sociale, ou religieuse, selon le Mouvement, avec des liens et des responsabilités dans son milieu de vie concret.

A cet égard, les nouveaux Mouvements spirituels doivent montrer qu’en tant que Mouvements spirituels, ils ne sont jamais seulement spirituels, mais ont toujours une portée sociale et qu’ils puisent dans la foi leur force créative culturelle. Alors ils dépassent même les nouveaux Mouvements sociaux, parce qu’ils ne se limitent pas comme eux à des thèmes spécifiques mais qu’avec Dieu et le monde, ils ont une portée illimitée. « L’Ensemble » des Mouvements spirituels et de leurs Églises est décisif pour cela : seule une Église réconciliée peut apporter une contribution crédible à la réconciliation. Cependant, un « Ensemble pour l’Europe » ne sera pas suffisant pour une réconciliation avec l’avenir. C’est un « Ensemble » pour le monde entier de demain qui est nécessaire.

Prof. Dr. Michael Hochschild, directeur de recherche et professeur de la pensée postmoderne sur Time-Lab Paris / Institut d’Etudes et de Recherches postmoderne; a étudié l’éducation, la sociologie, la philosophie, la psychologie et la théologie à Hambourg, Francfort et Bielefeld.

Lire le discours intégral : 2016 07 01 EpE Munich – M. Hochschild sur la réconciliation avec l’avenir>>

555 ans !

 « Trésors cachés » à Vienne

31 octobre 2017 = 555 ans ! Mystère ? Je m’explique : 500 ans = la Réforme de Luther ; 50 ans = mon âge à ce jour ; 5 ans = c’est depuis ce temps que je vis en Autriche.

Je me rends compte de cette sympathique coïncidence et je me demande comment je pourrais fêter ces anniversaires en mettant en relation histoire personnelle et œcuménique.

Je suis Suisse, de mère réformée et de père catholique. Les enfants, nous avons été baptisés dans l’Église réformée, mais nous avons pris ensuite des chemins divers. Je suis entrée dans l’Église catholique dès mon enfance. Avec de telles bases, ma passion pour l’unité des Églises est grande. Je vis maintenant dans une communauté du Mouvement des Focolari à Vienne.

Lors d’une rencontre de la vie consacrée au Centre œcuménique d’Ottmaring, en Allemagne, j’ai présenté avec l’évêque luthérien émérite, Herwig Sturm, un montage intitulé « Luther », avec des images, des paroles et de la danse (je suis danseuse de profession). J’ai alors eu l’idée de proposer cette présentation pour mon anniversaire.

 

Le 29 octobre 2017, plus de soixante personnes sont venues à Ad Spiegeln, au Centre de rencontres du Mouvement des Focolari à Vienne, pour fêter mon anniversaire. Au lieu de m’offrir des cadeaux, tous ont accepté ma proposition de donner de l’argent pour les frais occasionnés par les traductions lors de la rencontre européenne des Amis d’Ensemble pour l’Europe, qui avait lieu quelques jours plus tard, dans ce même Centre de rencontres.

Quelle joie pour moi de pouvoir remettre personnellement la somme récoltée au Comité d’orientation international d’Ensemble pour l’Europe !

Roswitha Oberfeld, Vienne

Europe, promesse de paix

Un congrès au Vatican pour repenser l’Europe. Ensemble pour l’Europe était présent.

«A notre époque, les chrétiens sont appelés à redonner une âme à l’Europe, à réveiller les consciences, non pas pour occuper des espaces, mais pour animer des processus qui engendrent de nouvelles dynamiques dans la société ». C’est par ce souhait que le pape François a conclu sa rencontre avec les 350 participants du congrès qui s’est tenu au Vatican auprès de la Commission des conférences épiscopales de la Communauté européenne (Comece) en collaboration avec le Secrétariat d’Etat. Le thème : « (Re)Thinking Europe. (Re)penser l’Europe. Une contribution chrétienne à l’avenir du Projet Européen” (27-29 octobre). Les organisateurs de cette rencontre ont voulu profiter de l’occasion pour signifier aux chrétiens l’aide qu’ils peuvent apporter au projet européen, dans l’espoir que le dialogue mis en acte puisse aider l’Europe et ses institutions en cette phase particulièrement critique.

Coup d’œil sur la réalité, perspectives, défis et espoirs du continent avaient fait l’objet de l’intervention du cardinal Marx, archevêque de Munich et Freising, président de la Comece, les jours précédents. En jeu : les problèmes d’environnement, le monde du travail, la crise des migrants, à affronter – affirmait-il – « avec un regard lucide sur notre présent et surtout sur le futur ».

Pour Mgr. Jorge Ortiga, archevêque de Brague et délégué de la Conférence Episcopale Portugaise à la Comece, « L’Union Européenne a besoin d’une âme, de quelque chose de nouveau. Il ne s’agit pas de s’intéresser uniquement au territoire ou à l’économie. C’est la responsabilité de construire une société unique, expression d’un corps unique, mais dans la diversité, dans le respect de chaque culture, de chaque pays, en tout ce qui le caractérise.

András Fejerdy, professeur à l’Université Catholique de Budapest, constate que « même si le mur de Berlin est tombé depuis maintenant 25 ans, le mur de nos esprits n’est pas encore tombé. Peut-être que nous, qui vivons dans la partie orientale de l’Europe, connaissons mieux l’histoire, la culture, la pensée des occidentaux. D’un autre côté, en revanche, nous faisons face à de nombreuses incompréhensions dues à l’ignorance. Au workshop auquel nous avons participé, se trouvaient des représentants de l’Europe de l’Est et du Sud. Il était intéressant de voir que nous partagions les mêmes espérances et les mêmes peurs par rapport au futur de l’Europe ».

Et Katrien Verhegge, directeur général de Kind en Gezin, (Belgique) : «Dans ce contexte nous portons notre message d’unité et de diversité. Pour moi, cela signifie retourner à l’essentiel : l’amour et la règle d’or. Nous pouvons être unis autour de la règle d’or « ne pas faire aux autres ce que tu ne voudrais pas que les autres te fassent ». Si nous repartions sur cette base pour repenser l’Europe, nous ferions déjà un pas en avant ».

Pour Pedro Vaz Patto, président de la Commission Justice et Paix du Portugal, notre époque vit « une crise de confiance en l’Europe. Nous avons essayé de porter notre contribution en tant que chrétiens à cette Europe qui est toujours à la recherche d’une âme. La devise de l’UE est « unité dans la diversité ». Nous, chrétiens, croyons en un Dieu qui est un et trine. Donc, notre foi nous aide à vivre cette unité dans la diversité, avant tout par notre témoignage. Entre les mouvements chrétiens, les Eglises, les personnes ».

Parmi les participants à la rencontre, Ilona Toth était déléguée du mouvement des Focolari pour Ensemble pour l’Europe, projet qui permet à des Communautés et des mouvements chrétiens de diverses Eglises de se mettre ensemble. Ils sont actuellement plus de 300, répandus sur tout le continent, ils ont leur propre autonomie mais agissent en réseau pour des buts que tous partagent, en apportant la lumière de leur propre charisme. « Un projet, affirme-t-elle, en pleine harmonie avec la rencontre qui se déroulait et qui a suscité de l’intérêt. Nous avons été invités à Bruxelles pour commencer à collaborer, vu l’importance de responsabiliser les peuples de l’Europe, dans le but de construire leur histoire commune ».

A noter la présence de responsables de différentes Églises, dont le président de l’Église évangélique en Allemagne (EKD), l’évêque luthérien Bedford-Strohm et des représentants de la Conférence des Églises européennes (CEC) : le père Heikki Huttunen, secrétaire général et la révérende Karin Burstrand, vice-présidente.

L’engagement des chrétiens en Europe, ce sont les paroles du pape François en conclusion de son intervention, « doit constituer une promesse de paix ». Ce n’est plus « le temps de creuser des tranchées, mais bien celui d’avoir le courage d’œuvrer afin de poursuivre le rêve des Pères fondateurs d’une Europe unie et soudée, communauté de peuples désireux de partager un destin de développement et de paix ».

Fonte: SIF  

Discours du Pape François >

Video: //vimeo.com/240377109

Des dizaines d’années de stupeur

Par la métaphore « derrière le rideau de fer », on désignait les États qui, de la seconde guerre mondiale jusqu’en 1989, faisaient partie du bloc communiste et étaient ainsi appelés en raison de la frontière idéologique « de fer » qui divisait l’Europe en deux parties et qui était concrètement visible avec le mur de Berlin.

Quand je suis allé à Prague pour mes études, dans ce qui était encore la Tchécoslovaquie, le souvenir de Jan Palach était encore très vif et, chez les étudiants de l’université, on parlait de lui comme d’un héros. Le 16 janvier 1969, transformé en torche vivante, il avait voulu attirer l’attention du monde sur le désespoir dans lequel vivait son peuple. Ma première impression a été que deux mondes vivaient dans cette capitale, l’un apparent et officiel, l’autre caché, mais très vivant.

J’ai vécu la même chose en Hongrie, où je suis arrivé en 1980. Les nouvelles de ces pays nous parvenaient à l’Ouest calibrées et contrôlées… On n’avait pas su grand-chose du pays des Magyars, sinon au moment des événements de 1956. J’arrivais à Budapest avec une bourse d’études pour des recherches sur la littérature enfantine et sous mes yeux commençait à défiler un chapelet de surprises.

Ce qui arriva ensuite a la saveur d’un miracle : j’ai eu la possibilité de rester en Hongrie une fois mes études finies. Un prix m’avait été attribué pour les traductions que j’avais faites, ce qui m’avait permis d’être connu et de recevoir une proposition pour enseigner à l’université Janus Pannonius de Pécs. Sur un fond politique plus inspiré par les intérêts que par les idéologies, introduire des éléments positifs demandait liberté et grande responsabilité.

Un jour, dans le train, au cours d’un des interminables contrôles des bagages à la frontière, je regardais au dehors un petit oiseau qui sautait d’un côté et de l’autre au-dessus des barbelés du mur de séparation et je me suis demandé combien de temps allaient encore durer ces barricades. Une phrase du philosophe napolitain Jean-Baptiste Vico m’a redonné espoir : « Hors de leur état naturel, les choses ne s’attardent ni ne durent »[1].

Aussitôt après la chute du mur de Berlin, en 1989, j’ai eu l’occasion de traduire une étude sociologique sur le phénomène du changement de nom des places et des rues de Budapest et du sort réservé aux statues du réalisme communiste, gonflées de muscles et de victoire, transférées dans un jardin conçu exprès, presque un zoo où emmener les enfants le dimanche. Quelques étoiles rouges, par leur taille et leur poids, ont attendu des années avant de descendre de leur piédestal.

Après seize ans passés en Hongrie, je suis allé dans d’autres pays ayant appartenu au pacte de Varsovie, comme la Slovaquie et la Pologne où, un jour, dans le camp d’Auschwitz, j’ai mieux compris le pourquoi de mon existence et j’ai remercié Dieu de pouvoir participer avec d’autres à faire de l’Europe et du monde entier une grande famille.

Cette affirmation de Victor Hugo m’a semblé particulièrement juste : « Il n’est rien au monde d’aussi puissant qu’une idée dont l’heure est venue »[2].

Tanino Minuta

[1] Giambattista Vico, Opere Vol. I, Tipografia della Sibilla, Naples, 1834, p. 12.

[2] //www.lemeilleurdelhomme.com/2014/10/22/les-20-meilleures-citations-de-victor-hugo/

Étudier, vivre et enseigner l’histoire

9 novembre 1989, date inoubliable de l’histoire récente : c’est la chute du mur de Berlin. Ce soir-là je me trouvais moi aussi devant la télévision pour suivre un événement inattendu et dont beaucoup, surtout nous, les jeunes, ne comprenaient absolument pas la portée.

Certes, j’avais étudié à l’école et à l’université, avec un diplôme d’histoire moderne en poche, les années de la guerre froide et la construction de ce rideau de fer qui, maintenant, en ces jours de novembre, était inexorablement réduit en miettes. Dans les mois suivants, nous allions connaître par les journaux et par des dossiers approfondis l’histoire des peuples de Tchécoslovaquie, de Hongrie, de Pologne, de Roumanie, qui se libéraient par des révolutions plus ou moins pacifiques de 70 ans sous le joug de l’Union Soviétique.

Je n’aurais cependant jamais imaginé, ce 9 novembre, que les récits et les images diffusés par les médias allaient se transformer pour moi en vie, en des personnes en chair et en os que j’allais rencontrer sur ma route. En fait, à peine un mois et demi plus tard, à la gare de Budapest-Keleti, je descendais d’un train qui m’avait amené de Rome en Hongrie, en passant par la Slovénie et la Croatie. On m’avait offert un poste de professeur d’italien et d’histoire dans un lycée de la capitale. Ce soir de décembre, dans l’atmosphère fumeuse de la gare, un petit groupe de personnes est venu m’accueillir, avec un grand sourire et un petit bouquet de fleurs. Quel contraste avec la scène qui m’attendait sur la place : quelques énormes camions vomissaient sur le pavé des dizaines de soldats soviétiques. Oui, ce fut mon premier contact avec un pays de l’Est : des personnes normales, que je reconnus tout de suite comme une famille, immergées dans une atmosphère grise et soupçonneuse, avec les signes évidents d’un contrôle encore en vigueur, bien que la naissance de la République de Hongrie ait été proclamée en octobre 1989 (Il faudrait attendre encore deux ans pour que le dernier militaire avec l’étoile rouge au képi quitte pour toujours le pays).

Les premiers mois de liberté constituaient une phase de transition, tant dans le domaine politique que social : tandis que le gouvernement démocratique faisait ses premiers pas et devait aussi compter avec les grèves, les commerces commençaient lentement à présenter une variété de produits, quelques-uns venant de l’étranger. La vie quotidienne était encore compliquée, du moins pour une occidentale comme moi. A la maison, j’établissais un menu, mais c’était une autre paire de manches pour trouver les ingrédients au marché ! Un jour, en 1990, les chauffeurs de taxi et de poids lourds ont bloqué tous les ponts sur Danube pour protester contre la hausse des prix du carburant. Aussitôt des files interminables se sont formées pour acheter le pain et les magasins ont été complètement vidés. Au marché, j’ai entendu quelqu’un dire : « C’est comme en 1956 », sous-entendu : quand le pain manquait. Les gens n’arrivaient pas encore à croire que le pire était vraiment passé.

C’était vraiment « une toute autre histoire » et cela m’est apparu encore plus clairement quand j’ai commencé à enseigner. Non seulement je n’avais pas de livres scolaires, mais ceux qui existaient relataient une version des faits vus… par l’œil de Moscou et l’idéologie de la lutte des classes. De plus, je me trouvais devoir expliquer à mes élèves innocents des choses pour moi évidentes. J’en ai vécu l’épisode le plus marquant la veille de Noël 1990. Pour faire de la conversation en italien, nous parlions des différentes traditions de Noël en Italie. Naturellement j’ai usé de paroles enthousiastes à propos des différentes représentations de la Nativité et de la crèche, au centre de toute famille italienne ces jours-là. Je parlais depuis plus d’une demi-heure quand une brunette, sur les bancs du fond, a levé la main et m’a demandé : « Mais madame, qui est Jésus ? ».

Maria Bruna Romito

Les Balkans vus par un Napolitain

Ce n’est pas chose facile de raconter plus de 10 ans en Slovénie, Croatie et Roumanie.

Je m’y suis tout de suite senti à l’aise. L’impact initial avec la Slovénie a été spécial parce que les Slovènes sont un peuple complètement différent du mien. Je ne connaissais pas la langue, le climat était très froid, et il y avait toujours dans les maisons cette odeur caractéristique du charbon qui brûlait dans les poêles. J’ai été tout de suite frappé par leur sens de l’ordre et de la discipline. Je me souviens qu’un soir, avec un ami de la communauté, nous nous étions arrêtés devant un kiosque pour acheter des fruits. Lui s’était mis à faire la queue et moi, je m’étais mis à l’écart. Au bout de quelques minutes, je me suis aperçu qu’une queue s’était formée derrière moi… Je me suis vite rendu compte qu’il se passait la même chose pour prendre le bus. Cela m’a vraiment impressionné. Cinq mois plus tard, je suis parti en Croatie. J’y ai éprouvé un sentiment de liberté, parce que j’étais inscrit à l’université pour apprendre la langue et je pouvais rencontrer des personnes, circuler dans la ville et faire toutes sortes de choses auparavant impossibles. Avec les Croates, j’ai découvert un peuple très proche du mien : lumineux, cordial, accueillant et aimant la bonne chère.

La chute du Mur

Une expérience inoubliable, vécue instant après instant avec mes amis et beaucoup d’autres, devant la télévision : sous nos yeux, c’était le monde qui changeait !

La guerre

La guerre des Balkans a été une de mes expériences les plus fortes : une sensation un peu étrange parce qu’à Zagreb, où je vivais, nous n’étions pas directement touchés par le conflit. Dans les premiers jours seulement, j’ai vécu des moments de terreur à cause des snipers qui tiraient de tous côtés, au hasard, sur la population. Malgré cela, ce qui me reste le plus de ces années de guerre, ce ne sont pas les villes ou villages détruits, mais la solidarité qui s’est créée entre les personnes. J’étais ému d’assister à l’arrivée de camions pleins de nourriture, de vêtements, etc.  Pour ma part, comme mes parents étaient morts, J’ai littéralement vidé avec quelques jeunes l’appartement de ma famille à Naples et tout transporté en Croatie. Je me souviens aussi qu’au beau milieu de la guerre, en 1993, nous avons réussi à organiser un festival de jeunes. Ils étaient environ 3 000 : catholiques, orthodoxes, musulmans, et venaient de Yougoslavie, de Roumanie, de Bulgarie et de Moldavie. J’ai été particulièrement touché par une chanson d’un groupe de jeunes musulmans ! La radio et la télévision étaient présentes et le lendemain la nouvelle était en première page sur tous les journaux de la capitale.

La Dacia (Roumanie)

Dans ce pays, j’ai compris ce que veut dire passer d’une situation de bien-être à une situation d’indigence. Le communisme – c’est mon ressenti – avait réussi à détruire toute l’histoire culturelle, civile et populaire du pays. Pour moi, cela a été un choc ! Un jeune que je connaissais de vue m’avait demandé de l’argent. Sur le moment, je n’ai pas pu l’aider parce que je n’avais pas sur moi la somme qu’il me demandait. Mais je me suis posé cette question : « Pourquoi est-ce à moi qu’il s’est adressé ? ». Réponse évidente : « Parce qu’il sait que je suis Italien et il pense qu’à n’importe quel moment je peux repartir d’où je viens ». La véritable pauvreté est la sensation de n’avoir plus rien et de ne pas avoir quelqu’un qui peut vous aider. En Roumanie, j’ai fait aussi l’expérience du partage profond, avec la rencontre de frères et sœurs qui attendaient quelque chose qui donne enfin un sens à leur vie : l’Amour. Comme auparavant en Slovénie et en Croatie, j’ai encore des relations fraternelles avec beaucoup d’entre eux.

Gennaro Lamagna

 

Toujours plus à l’Est

Rossiya mon Amour

Moscou 1991. C’est l’hiver. Ce premier après-midi, mon avion atterrit à l’aéroport de Moscou-Cheremetievo.

La salle d’arrivée est faiblement éclairée et la queue au contrôle des passeports et visas interminable. J’ai trouvé un emploi à l’université Lomonossov et voilà que je débarque en Russie avec toutes mes affaires. Dehors, il fait déjà nuit et, d’une certaine manière, j’ai l’impression qu’ici le monde est définitivement fini. Puis l’annonce : « Correspondance pour Novossibirsk et Krasnoïarsk ». Je pense alors : « Il me semble au contraire que c’est ici que tout commence ».

La magie des commencements

Je vis dans une petite communauté œcuménique. Notre appartement se trouve rue Volocaevskaïa, dans un quartier ouvrier. Au premier abord, cela semble un endroit peu fiable. A ma question : « Pourquoi n’allons-nous pas, comme tous les étrangers, sur le terrain sûr de l’ambassade ? », on m’explique : « Ne t’inquiète pas ! Ici, le prolétariat nous protège ».

En fait, le contact avec nos voisins est spontané : les vieilles dames, assisses presque jour et nuit dans la cour, savent exactement qui arrive, avec qui et à quelle heure, qui s’en va et où il va. Par leur spontanéité, les enfants me font oublier la puanteur et la saleté de la cage d’escalier. Rue Volocaevskaïa, nos nouveaux amis viennent volontiers, collègues et étudiants, jeunes et moins jeunes. Dans notre appartement meublé, ils ne sont pas gênés par le canapé rongé par les rats ni par le tuyau d’eau qui fuit dans le couloir. Le début de notre profonde amitié nous immerge dans une lumière éblouissante et nous fait oublier tout le reste.

Les « fils spirituels » d’Alexandre Men

Au début des années 90, en Russie, la production continue à diminuer. Les magasins sont vides, on manque de tout. La vie religieuse semble éteinte. Dans les églises, il y a une usine de vodka, un bureau, un magasin…

Nous connaissons depuis longtemps le prêtre russe-orthodoxe Alexandre Men. Depuis les années 60, il baptise clandestinement des milliers de personnes et montre une ouverture œcuménique qui n’est pas sans danger à cette époque. Autour de lui se forme une communauté vivante de chrétiens orthodoxes. Quand le père Alexandre est sauvagement tué, il laisse ses « fils spirituels » traumatisés, comme orphelins.

« Là ou deux ou trois se trouvent réunis en mon nom… »

Rapidement, beaucoup d’entre eux s’unissent à nous. Nous commençons à vivre ensemble la Parole de l’Écriture, par exemple : « Là ou deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 18,20). Ils trouvent parmi nous une nouvelle patrie, comme ils l’expriment eux-mêmes. « Vous, vous ne faites pas de prosélytisme, vous nous aidez à devenir un ferment pour un renouveau de l’Église russe-orthodoxe ». Après des dizaines d’années de sécheresse spirituelle, nous vivons avec eux et d’autres un nouveau printemps. Je suis heureuse comme jamais. La soif d’une vie spirituelle en communion nous unit, nous qui sommes si différents par la culture, l’éducation et la mentalité.

Ma découverte

Dans les années 90 – avec la pérestroïka et le glasnost – de plus en plus d’organismes et de sectes entrent dans les pays d’au-delà du rideau de fer, mais aussi des aides des différentes Églises (Renovabis, Kirche in Not, Bonifatiuswerk…) et des mouvements religieux (Communion et Libération, le Chemin Néocatéchuménal, les Focolari, la Communauté Sant’Egidio…). Quelques-uns restent, beaucoup sont repartis.

Mon expérience personnelle, comme Allemande de l’Allemagne de l’Ouest, après presque 20 ans en Russie ? J’ai reçu de ce pays infiniment plus que ce que je pourrai jamais donner : entre autres, le recueillement pendant la riche liturgie orthodoxe-russe, où ma relation à Dieu s’est approfondie ; et les amitiés solides qui continuent à distance et me montrent combien je suis aimée. J’ai redécouvert ma vocation de chrétienne et de femme : j’ai été appelée pour aimer. Pendant ces années, je crois que nous avons récrit à notre manière les Actes des Apôtres. Les phrases : « Voyez comme ils s’aiment » et « ils mettaient tout en commun » (Ac 4,32) nous ont marqués, modelés. Je les comprends de façon nouvelle : l’Évangile va beaucoup plus loin… bien au-delà de Novossibirsk et Krasnoïarsk !

Beatriz Lauenroth

 

Intervention de Mons. Nunzio Galantino

Mons. Galantino, Secrétaire général de la conférence épiscopale italienne, lors de la veillée œcuménique à Rome 2017

« Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde » .

Une considération de caractère littéraire peut nous aider à cueillir toute la force et la portée de cette expression.

Dans les versets qui la précèdent immédiatement (Mt 5,1-12), Jésus avait proclamé les Béatitudes. Donc, ce « vous êtes sel… vous êtes lumière » n’est pas une définition que Jésus entend donner à ses disciples ! Mais plutôt, après avoir proclamé les Béatitudes, Jésus veut dire à ses disciples : vous voyez, si votre vie se déroule dans la logique des Béatitudes… vous êtes sel et lumière de la terre ; seulement si vous vivez dans la logique des béatitudes votre présence contribue à donner du gout à votre vie et à celle des autres, saveur et beauté à votre existence et à celle des autres.

J’ai voulu faire cette présentation parce que beaucoup d’entre nous pensent encore qu’il suffit de se présenter comme « chrétiens » pour que tout de suite on nous croie, pour qu’on nous reconnaisse la fonction de « lumière » (point de référence) et de « sel » (porteur de sens). C’est un discours qui vaut pour nous tous, probablement aussi pour toutes les traditions chrétiennes et pour ceux qui appartiennent à toute foi religieuse. Je crois en fait qu’il s’agisse d’une tentation qui peut atteindre tout homme, de n’importe quel milieu, même au-delà de toute appartenance religieuse. Il y en a même qui pensent qu’il suffise de se présenter vêtus d’une certaine manière ou utiliser un certain langage pour être automatiquement crédible comme personnes qui donnent du gout et un sens nouveaux à la vie.

En nous présentant les béatitudes et en les faisant suivre par ce « vous êtes sel… vous êtes lumière », Jésus a indiqué la route que le croyant est appelé à parcourir. Le disciple de Jésus est appelé à suivre un code bien défini, celui des béatitudes, fait de passion pour les œuvres de paix, d’attention miséricordieuse envers les autres, de vie vécue dans la pauvreté et marquée par la sobriété. C’est cela qui donne un sens et du gout à la vie du croyant, en en faisant une vie qui resplendit.

Souvent, au lieu de répandre du gout et donner de la beauté à travers des gestes et des choix concrets, comme nous le demande Jésus, nous nous engageons (plus souvent, nous « nous donnons un mal fou ») à démontrer, à argumenter. Au lieu d’allumer la lumière, nous préférons organiser quelque chose de mastodonte et de grandiose pour… étonner !

Mais ce n’est pas ce que nous demande l’évangile ! Au contraire il nous donne une indication qui frôle la banalité quand il affirme que l’amour ne se démontre pas, l’amour se vit ; et justement puisqu’il se vit, l’amour ne se démontre pas mais se montre. Le gout authentique des choses ne se démontre pas, mais se réalise. La lumière ne se démontre pas, la lumière s’allume et par la fait même se rend visible.

Lorsque Jésus dit « Vous êtes sel… vous êtes lumière », c’est comme s’il disait : Vous voulez faire connaitre Dieu ? Ne discutez pas sur Lui, ne démontrez rien ; faites plutôt quelque chose de concret ; mais de tellement beau, de tellement sensé et savoureux… que, celui qui vous rencontre puisse spontanément dire : mais c’est vraiment beau ce que tu fais et ce que tu vis ! Qui t’en donne l’inspiration ? Au nom de qui tu le fais ?

C’est ainsi que Dieu veut être présenté et témoigné ! Avec la même force et la même évidence que la lumière ; avec le même gout fort que le sel : à travers des choix et des gestes concrets, qui donnent du gout et inspirent du sens à la vie.

Beaucoup de nos choix pastoraux, et nos manières de nous positionner par rapport à la société où nous vivons, surtout celles qui ne vont pas dans cette direction, risquent d’être des diversions. Nous risquons de cacher l’unique action que l’évangile nous propose : celle de mettre en évidence/témoigner ; ce qui veut dire faire des choix et poser des actes qui rendent avec évidence « savoureuse » la vie vécue avec le Christ. Si la vie du croyant se présente de cette manière, avec une vie qui a un sens, du gout au point de faire de la vie une réussite… alors, même les contenus que nous essaierons de transmettre auront un sens différent ! Alors, que signifie être lumière, sel ? Qu’est-ce qui peut donner du gout et du soleil à notre vie de croyants ?

On peut le faire en s’engageant à ouvrir de nouvelles voies et à rêver à de nouvelles possibilités, en osant plus et en luttant contre le fatalisme et l’habitude : deux maladies mortelles, non seulement pour le croyant ! Nous devons sourire de nouveau et en conséquence faire sourire celui que nous rencontrons. Le sourire, parce qu’il se sent compris, parce qu’il rencontre des gens qui ne supportent pas l’esprit guerrier et discriminant des « petites âmes ». Nous devons sourire de nouveau et rendre le sourire contagieux pour que notre être lumière illumine sans prétendre aveugler ; et notre être sel donne un gout délicat sans prétendre tout assurer. Pensez combien cela dérangerait une lumière qui aveugle et mauvaise une pitance trop salée !

Etre lumière et sel dans le respect de ceux qui nous rencontrent ! Quelle délicatesse est demandée, surtout aujourd’hui, au croyant !

Nous ne soulignerons jamais assez ce que Pierre recommande aux destinataires de sa première lettre : « Soyez toujours prêts à rendre compte de l’espérance qui se trouve en vous, à tous ceux qui vous demandent des explications. Mais faites-le avec patience et respect, et en ayant une conscience propre. » (1 Pt 3,15s)

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Prions avec Matthieu 5, 13-16

Seigneur, Tu me demandes d’être « sel”. Tu me demandes donc de rester au contact de la terre, d’être présent dans le temps où je vis, ici et maintenant. Attentif à mes besoins et à ceux qui sont autour de moi.

Tu me demandes d’être « lumière », à un moment où les ténèbres semblent se faire plus épaisses. La lumière me permet de voir le contour et les couleurs des objets, de la réalité et du monde, dans leurs nuances, et dans leur beauté. Mais elle permet aussi de connaitre leurs innombrables nécessités.

Donne de la saveur, Seigneur, à ma vie ; Donne de la consistance à mes espoirs ; Donne de la confiance à mes peurs ; Donne de la lumière à mes obscurités, et paix à mon cœur, à mes pensées, à mes émotions.
 Fais-moi comprendre, Seigneur, que je serai “sel”, si je sais être humble, en ce temps d’arrogance ; homme de paix, en ce temps de malversation ; Libre des « choses », en ce temps où la personne « vaut » en fonction du compte en banque qu’elle possède.

Fais-moi comprendre que je ne serai vraiment « sel » et « lumière » que si je suis engagé à dénoncer tout profit dans un Occident qui a fondé son propre bienêtre sur l’usurpation.

Je serai « sel de la terre » si, avec et dans mon environnement, je ne recule pas devant les nécessités des autres.

Intervention de Andrea Riccardi

Andrea Riccardi, Fondateur de la Communauté de Sant’Egidio, lors de la veillée œcuménique à Rome 2017

Chers amis,

Cela, ne le cachons pas : de nombreux Européens se sentent perdus et dépaysés. Où va l’Europe ? Résistera-t-elle à la tentation de se séparer ? L’Europe semble ne plus protéger ses ressortissants. Au contraire, certains essaient de parcourir la voie opposée à celle des Pères fondateurs de l’Europe, qui avaient une mémoire vive de l’horreur de la guerre, des murs de haine, des camps de concentration et des ruines. De nos jours, la génération qui se souvient de cette histoire a disparu. On considère peu l’histoire car pris par le présent d’une politique d’émotions et d’angoisse. Le recours à la guerre lui-même en arrive à être considéré trop “normal”, alors que c’est une folie pour celui qui a vu même hier – en Irak ou en Libye – que la guerre produit la guerre.

L’Europe ne vit pas, si elle n’a pas la mémoire. Nous serons le continent du futur si nous sommes celui de la mémoire. Or il faut se souvenir de la grande paix, soixante-dix ans, construite solidement après des siècles de guerres. C’est le fruit de l’Europe unie : la paix a apporté la prospérité, le développement d’une culture aux racines antiques. C’est une réalité qui s’impose, évidente, plus que les émotions et les peurs qui dominent le présent. Cette Europe est notre paix et notre prospérité.

Sa crise est venue, lorsque les égoïsmes l’ont bloquée : égoïsmes nationaux, de groupe, d’intérêts, et enfin personnels. Ils l’ont bloquée dans son élan. L’Europe n’a donc pas accompli le saut qui aurait fait d’elle la protagoniste de la scène mondiale, avec une politique étrangère et de défense en commun. Non seulement la paix pour l’Europe, mais une politique commune de paix pour la Méditerranée, les Balkans, l’Afrique, le monde. « Europe, force tranquille » – disait Tommaso Padoa Schioppa. Les égoïsmes risquent, de nos jours, de la bloquer et de la dévorer de l’intérieur. Ils poussent à redevenir les maîtres des destins nationaux et de voir chez les autres une menace. Ainsi les frontières reprennent de la valeur : envers les immigrés, parmi les jeunes et les personnes âgées, parmi les riches et ceux qui sont fragiles, entre l’Europe du Nord et l’Europe du Sud. Les frontières peuvent devenir des murs : certains pensent qu’ils éloignent les tragédies du monde. L’Europe est, elle aussi, impliquée dans la guerre cruelle en Syrie, qui dure depuis six ans, plus que la première guerre mondiale.

Les murs offrent l’illusion de protéger : en réalité ils manifestent la décadence. Ils sont la ligne Maginot de la défaite morale et politique de l’Europe.

Dans le monde global, l’histoire n’a pas de digues, mais elle demande des acteurs forts et unis. Cela demande d’avancer unis et sans faire marche arrière à la recherche d’abris par groupes ou nations, car nous sommes dans une période globale nouvelle. On ne fait pas marche arrière. Les États nationaux autonomes sont une embarcation pour des navigations des temps passés. Nous devons faire face aux dimensions du défi et de la vie d’aujourd’hui : cela ne sert à rien de poursuivre la politique de l’autruche. Une Europe fermée ou divisée sera submergée par les marchés et par les géants économico-politiques dans un monde global et interdépendant. Sur les scénarios de la globalisation, il faut plus d’Europe, si nous voulons que ce soit la terre des jeunes, si nous voulons que notre identité humanistique, religieuse et des droits survive : il ne suffit pas que ce soit uniquement la terre qui nous protège, nous, retraités, pendant quelques années. Un monde sans Europe manquera d’une force de paix et de sagesse historique.

Nous sommes rassemblés entre chrétiens. L’idée européenne ne fut pas confessionnelle, mais bien chrétienne : elle se développa avec la passion de l’Église du moment. Mais de nos jours, quand l’Est et l’Ouest prennent des voies différentes, quand le grand objectif européen qui exprime une extraversion chrétienne du continent, s’ébranle, où sont les voix des chrétiens ? et celles des Églises ? Quand les frontières se transforment en murs face aux réfugiés, où sont ces voix ? Quand ce monde se retrouve face à un risque de guerre, le silence est souvent là.

La forte voix de Pape François – pensons au discours pour le Prix Charlemagne – reste solitaire dans un christianisme, fragmenté comme l’Europe, peu capable de sortir des égocentrismes de groupe ou ecclésiastiques, incapable de nourrir une vision. Que cette prière commune puisse, que la Parole de Dieu puisse comme à l’époque des prophètes, faire croître une grande vision pour notre époque dans les corps et dans l’esprit. Il faut se remettre à penser et à agir avec élan, avec une vision, parce que nous avons vécu pendant trop de périodes des moments de mesures étroites et des mots sans lumière. Karol Wojtyla, au cours des années pendant lesquelles l’Europe était partagée par un mur dur : « Le monde souffre surtout à cause d’un manque de vision ».

 

Intervention de Gerhard Pross

Gerhard Pross, Modérateur de Ensemble pour l’Europe, lors de la veillée œcuménique à Rome 2017

« Ensemble – pour – l’Europe ». Il n’est pas possible de rendre de façon plus précise combien « Ensemble – pour – l’Europe » est important pour environ 300 Communautés et Mouvements d’inspiration chrétienne.

Nous sommes un réseau œcuménique de communautés et de Mouvements chrétiens. Nous venons de plus de 30 Pays européens, de l’Oural à l’Atlantique ; nous parlons des langues différentes ; nous vivons au sein de cultures diverses et nous appartenons à des Églises différentes : nous sommes catholiques, évangélistes, anglican, orthodoxes, d’Églises libres. Parmi nous, vivent des spiritualités diverses.

Pourtant, nous sommes convaincus, car nous en avons fait l’expérience, que l’unité est possible. Notre chemin commun a commencé par une expérience de réconciliation profonde au sein d’un groupe de responsables. L’unité est devenue possible.

Depuis, nous vivons une unité dans la diversité. Chacun conserve son originalité. Mais de la réconciliation, vécue en Jésus Christ, naît la force d’expérimenter la diversité de l’autre en tant que richesse.

Nous rappelons ici, tout particulièrement, trois fondateurs qui, maintenant, nous accompagnent du Ciel : Chiara Lubich, fondatrice du Mouvement des Focolari, a donné la première impulsion ; Helmut Nicklas, responsable du CVJM (YMCA) de Munich, est devenu l’architecte de l’« Ensemble » ; le Cardinal Miloslav Vlk a exprimé, tout particulièrement parmi nous, le pont entre charisme et hiérarchie ecclésiastique.

Quand, en mai 2004, nous avons invité 10 000 participants à un grand évènement à Stuttgart, l’Europe tirait parti de l’impulsion positive des nouveaux Pays qui s’étaient ajoutés à l’Union Européenne. Au cours de l’été 2016, la situation était bien différente lors d’un grand Congrès et d’une Manifestation auxquels nous avions invité les personnes à Munich seulement 3 jours après la Brexit. Nous avons ressenti et nous ressentons encore maintenant que : L’Europe vit un moment de désarroi.

L’Union Européenne vit une crise après l’autre. Dans une période de crise, ponctuée par des actes de terrorisme, avec des milliers de personnes, là, à Munich, nous avons dit publiquement, clairement et à voix haute, notre ‘OUI‘ à l’Europe. « Il n’y a pas d’alternatives à ‘l’Ensemble en Europe’ ». C’est par ces mots de la Constitution de l’Union Européenne que nous avons commencé notre Message à Munich.

Puis-je le dire d’une manière personnelle en tant que l’un des porte-parole d’Ensemble pour l’Europe ? L’initiative de Munich m’a profondément touché et j’ai placé l’Europe à la première place de mon agenda. Depuis 17 ans nous sommes, ensembles, sur le même chemin, mais il n’a jamais été aussi important qu’aujourd’hui d’exprimer notre OUI à l’Europe.

  • À une époque où se dressent le populisme, les égoïsmes et les nationalismes, nous disons notre OUI à une culture de la relation et de l’alliance.
  • À une époque où les démons qui nous ont amenés plusieurs fois à la catastrophe, reviennent, nous disons notre OUI à l’Évangile, à la réconciliation et à l’amour.

Au sein de nos Mouvements, nous devons éveiller la conscience de l’urgence de notre OUI à l’Europe.

En tant que Communautés et Mouvements, nous devons exprimer publiquement notre OUI à l’Europe.

Nous nous engageons pour une Europe de « l’ensemble ». Pour une Europe qui reconnaisse la diversité en tant que richesse et qui vive « l’ensemble » en paix et en unité. Et notamment, pour une Europe à laquelle Dieu, au cours de l’histoire, a confié une mission : l’ensemble du ciel et de la terre, l’ensemble de la foi et de son incidence sur le monde, parce que, dans le [Christ] crucifié, c’est le ciel et la terre qui se rencontrent.

Aujourd’hui – mais non pas seulement aujourd’hui – à la veille de la célébration des “60 ans du Traité de Rome”, nous nous réunissons pour prier et pour rappeler, en tant que Communautés et Mouvements chrétiens, que nous comptons – en plus de notre engagement – sur l’aide essentielle de Dieu.

L’Europe a besoin de notre prière.

 

Interview avec David-Maria Sassoli

Monsieur David-Maria Sassoli, membre du Parlement Européen italien du Parti Démocrate, lors de la veillée œcuménique à Rome 2017

Monsieur Sassoli, à la veille du 60ème anniversaire des Traités de Rome, qui ont marqué la naissance de l’Union Européenne, en plusieurs endroits nous constatons combien l’Europe a perdu ses racines chrétiennes, concentrée comme elle l’est sur le financement, la bureaucratie et les intérêts nationaux, incapable de solidarité et d’accueil, et de projeter un développement central sur la personne. Qu’est-ce que vous en pensez ?

« Il faut tout d’abord que les chrétiens se fassent entendre davantage, et il doit y avoir des réseaux dans le monde chrétien qui donnent le relai à d’autres.  Parce qu’il y a des valeurs partagées, comme la paix, la cohabitation, la solidarité, la justice qui ont certainement une matrice chrétienne mais qui, de nos jours, sont assumés en tant que paradigme d’engagement politique, culturel, moral de la part aussi de citoyens qui ne sont pas chrétiens. Voilà les éléments qui font l’identité européenne : voilà pourquoi les chrétiens doivent être très contents parce que dans l’identité européenne nous retrouvons des valeurs qui appartiennent au monde chrétien. Mais, en ce moment, il est nécessaire que nous l’expliquions bien à nos citoyens parce que l’Europe fait peur, provoque l’anxiété, semble un poids, alors que nous avons besoin de faire de l’unité des européens la valeur nécessaire pour jouer le grand défi de ce siècle qui sera de donner une forme au marché global. La globalisation sans règles devient marginalisation, pauvreté, misère, elle peut être catastrophique  pour beaucoup de zones de la planète. Le grand défi de l’Europe est de donner des règles et des valeurs au monde. Parce que les règles du marché sans la défense des droits humains, le sens de la liberté et de la démocratie, ne seraient que des lois économiques qui font prévaloir le plus fort et nous ne le voulons pas. Donc le défi est celui-ci : les valeurs chrétiennes qui sont à l’origine de l’identité européenne aujourd’hui sont l’élément pour faire face au grand défi mondial ».

Pour surmonter l’écart entre les Pays économiquement plus forts et ceux qui sont en train de progresser, nous parlons d’une Europe « à deux vitesses » , qu’est-ce que vous en pensez ?

« Si cela signifie qu’il y aura une Europe de série A et une de série B, alors ça ne va pas. Au contraire, si cela signifie que certains Pays peuvent s’associer, comme cela est prévu par le Traité de Lisbonne, en tant que coopération renforcée et parier sur des politiques communes qui ne dénaturent pas les standards européens, voilà ce qui est intéressant. C’est de cette façon que nous avons fait l’euro, avec une coopération renforcée qui est partie de dix, onze Pays et ensuite d’autres se sont agrégés.  C’est une bonne méthode parce qu’en effet, dans les mécanismes européens, il est difficile de trouver l’unanimité. S’il y avait, par exemple, des Pays comme la France, l’Italie, l’Espagne, l’Allemagne, la Belgique et d’autres qui parient sur un défi commun, nous le souhaiterions vivement : nous aurions un noyau qui part et tire l’envolée et ensuite d’autres qui se regroupent ».

 Le nécessité de revoir les Traités a été souvent discutée. Pape François aussi l’a souligné dans son discours au Parlement Européen, en mai dernier, à l’occasion de l’attribution du Prix Charles Magne. Dans quelle direction doivent-ils être modifiés ?

« Nous devrions arriver à les changer, j’opte pour arriver à une Constitution européenne, mais je dois dire, avec réalisme et regret, qu’en ce moment, rouvrir la discussion sur les Traités cela peut être très dangereux, il faut être prudents. Si nous reprenons maintenant le problème de Schengen, qu’est-ce qu’il en serait alors de cette Europe et avec ces Gouvernements si nationalistes ? Des Gouvernements qui ont peur des invasions des immigrés. Il vaut mieux, maintenant, de se concentrer sur quelques politiques qui peuvent développer davantage l’Europe parce que c’est de cela que nous avons besoin au-delà des Institutions, des règles et des traités ».

Claudia Di Lorenzi

Interview avec Luca Maria Negro

Luca Maria Negro, pasteur baptiste, Président de la Fédération des églises évangéliques en Italie (Fcei), lors de la veillée œcuménique à Rome 2017

Un évènement comme celui de ce soir, où diverses églises chrétiens se retrouvent unies pour prier, est la preuve que l’unité dans la diversité est possible. Comment l’affirmation et la protection de la propre identité et des traditions se concilie-t-elle  avec la rencontre et l’ouverture envers l’autre ?

« En tant que mouvement œcuménique, nous, nous constatons cela depuis au moins 50 ans, parce que le mouvement a comme slogan unis mais différents, unis en respectant les charismes que les diverses églises ont. Il s’agit aussi du slogan de l’Union Européenne, nous ne savons pas s’il a été pris en connaissance de cause par le mouvement œcuménique, mais nous croyons qu’il est, de nos jours, plus que jamais valable. Malheureusement il semble que l’Europe a perdu l’anima. Nous ne sommes pas arrogants et nous ne voulons pas dire que, l’âme de l’Europe, c’est nous, mais en tant qu’église, nous voulons témoigner de toutes nos forces que l’œcuménisme, le fait de dialoguer ensemble, de construire des sociétés qui dialoguent, de promouvoir l’œcuménisme laïque de la société soit fondamental » .

Récupérer les valeurs chrétiennes qui fondirent l’Europe signifie offrir un patrimoine valable pour tous les peuples, non pas seulement pour les chrétiens…

« En tant que protestants nous n’insistons pas d’une façon particulière sur la récupérations des valeurs chrétiennes, parce que cela donnerait l’impression que nous voulons les imposer aussi à ceux qui n’ont pas la même foi que nous. Mais il y a des valeurs comme celles du dialogue et de la solidarité qui sont aussi chrétiennes et qui peuvent être partagées par toutes les femmes et tous les hommes de bonne volonté. C’est cela que nous privilégions, la découverte de ces valeurs sur lesquelles  l’Europe est née parce que « Oui’ » , n’oublions pas que de nombreux chrétiens ont contribué à la croissance de l’Europe, mais il y avait aussi de nombreux laïcs qui l’ont fondée. Ces jours-ci, nous avons de nouveau évoqué que le Mouvement Fédéraliste Européen est né en Italie chez un Valois, Mario Alberto Rollier, mais il y avait avec lui des personnes laïques comme Altiero Spinelli, et que tous se sont retrouvés en travaillant pour construire une Europe unie ».

Comment est-ce que l’on éduque concrètement au dialogue ?

« Comment est-ce que l’on apprend à marcher ? En marchant. Il en est de même pour le dialogue. Il faut commencer, sortir de soi-même. Nous ferons certainement des erreurs, parce qu’il est parfois facile, même sans le vouloir, de blesser autrui outre sa sensibilité. Sous cet aspect, le mouvement œcuménique a certainement beaucoup d’expériences à partager avec ceux qui s’ouvrent pour la première fois au dialogue ».

Claudia Di Lorenzi

Interview avec Donato Falmi

Dr. Donato Falmi, ancien directeur de la maison d’édition Città Nuova (Nouvelle Cité), coresponsable du Mouvement des Focolari de Rome et du Centre de l’Italie, lors de la veillée œcuménique à Rome 2017

Si l’on observe cette Europe d’aujourd’hui, partagée et égarée, il nous semble que l’intuition de Chiara Lubich, dans le lointain 1999, de mettre en route la constitution d’un réseau œcuménique international des mouvements chrétiens était prophétique…

« Elle est prophétique parce qu’il semble vraiment que Chiara ait prévu que l’unité de l’Europe n’était pas quelque chose de facile, qu’il fallait donc une force spirituelle de fond, peut-être cachée, mais si forte qu’elle irait contre ces courants négatifs que l’on constate de nos jours. Quand Chiara lança cette idée, au fond l’Europe était encore un idéal qui, tout compte fait, “avait du succès” ; de nos jours nous sommes arrivés à un moment où il est nécessaire de la redécouvrir. Et si nous n’avions pas pris ce chemin et si nous n’avions pas développé la conscience de ce fait aujourd’hui, nous n’en serions pas capable. C’est une concrétisation, au-delà de toutes les déclarations de principe, pour redonner à l’Europe sa dimension chrétienne, mettre de nouveau le christianisme à la base de l’Europe ( … ). Cette expérience, que l’on est en train de faire ensemble au niveau d’églises et de mouvements appartenant aux diverses âmes chrétienne de l’Europe – parce que le christianisme est une réalité unique mais avec tant d’expressions – est peut-être la proposition la plus concrètes pour affirmer que l’Europe a une base chrétienne. Dans ce sens, elle est géniale ».

Pape François a mis en évidence que, pour construire une Europe plus unie et solidaire, le dialogue est nécessaire. Le mouvement des Focolari a trouvé, dès sa constitution et justement dans le dialogue, une voie féconde pour l’unité. Que signifie dialoguer et comment apprenons-nous l’art du dialogue ?

« Il y a ici une intuition fondamentale, qui est la redécouverte que Chiara fait de la nature même de Dieu, qui est amour. Si nous voulons traduire la parole amour avec un terme qui exprime la dynamique des relations, nous pouvons utiliser le mot dialogue. Qu’y a-t-il de plus fondé sur le dialogue que l’amour ? Et d’autre part, sans l’amour, il n’y a pas de vrais dialogue parce que le dialogue comporte dans tous les cas l’accueil de l’autre, il comporte donc un oubli de soi, ce qui ne signifie pas négation mais veut dire faire toujours un pas à l’arrière pour accueillir l’autre. La loi fondamentale, c’est cela. Ce n’est qu’après cela qu’il est possible de comprendre comment le dialogue devient au fond la seule voie qui permet d’atteindre l’unité, parce qu’elle respecte les différences et, en même temps, elle saisit ce qu’il y a de bon et ce qui unit ».

On assiste au cours des dernières années en Europe à l’avancement du populisme et des mouvements soi-disant souverainistes. Là, peut-être que l’Europe doit faire un examen de conscience : quelle faute reconnaitre et comment changer ?

« Ce qui peut expliquer cette situation, c’est que l’Europe a beaucoup visé sur le bien-être matériel. L’Europe a élaboré, pour l’avantage de tout le monde, des valeurs comme celles qui sont résumées dans la Déclaration des Droits de l’Homme, signée par les leaders mondiaux, mais ensuite la tentation de s’aplatir sur un bien-être de nature matérielle, en oubliant ce qu’il y a de plus profond dans l’âme humaine, est une dure réalité. En atteignant les plus grands objectifs de civilisation, l’Europe a aussi atteint un bien-être qui lui a fait oublier les conditions plus profondes d’une concorde civile. De nos jours, nous sommes en train d’un payer les conséquences mais nous sommes peut-être en train de récupérer, bien que difficilement, les valeurs que nous avions oubliées, ce qui ne signifie pas que le bien-être matériel n’est pas une valeur, il l’est, mais en restant à sa place, avec les valeurs qui doivent toutefois être primordiales ».

Claudia Di Lorenzi

Interview avec P. Heinrich Walter

P. Heinrich Walter, responsable de la coordination internationale du Mouvement de Schönstatt, à l’occasion de la veillée œcuménique à Rome 2017

Quelle contribution Pape François peut-il offrir à l’évolution de cette Europe, envers la construction d’une Europe plus solidaire et inspirée par les valeurs chrétiennes ?

«  Je pense que le Pape, en tant qu’Argentin,  observe l’Europe d’un angle différent par rapport à nous, plus objectif, et qu’il comprend que l’Europe manque de vitalité, parce qu’elle est terrifiée,  parce qu’elle a peur. Pape François est un enthousiaste et il comprend très bien que le monde a besoin d’être rénové ».

 Quel témoignage les Églises chrétiennes peuvent-elles donner à l’Europe en tant qu’unies dans leur diversité ?

« Dans cette Europe en crise, ce qui manque, c’est la liberté, pour chaque Pays, de collaborer selon ses propres possibilités. Mais certains Pays subissent une pression excessive à cause de l’urgence des réfugiés. Ce qui est nécessaire, c’est qu’il y ait, en Europe, une alliance entre les Pays afin que chacun, en toute liberté, offre sa propre contribution » .

Claudia Di Lorenzi

 

 

 

 

Charismes et Europe

La contribution des Ordres et Instituts Religieux a l’unité européenne

Au temps de l’Empire romain, l’Europe a connu une certaine unification. Une unité fragile cependant, parce qu’imposée par la force des légions romaines. Quand cet empire a été dissous, elle s’est trouvée à nouveau en pièces. Les différences ethniques et culturelles ont alors pris le dessus et chaque peuple a recherché une identité propre. C’est ainsi que, vers le Ve siècle, l’Europe se trouvait être un ensemble de peuples rivaux.

Dans cette phase d’effritement et au cours des siècles qui ont suivi, sont apparus providentiellement des hommes et des femmes qui, guidés par l’Esprit Saint, ont suscité et introduit dans les populations européennes des idéaux nouveaux et des valeurs élevées et universelles, fondés pour la plupart sur le patrimoine judéo-chrétien. Valeurs et idéaux qui amenèrent les peuples européens à dialoguer entre eux et à mettre en commun leurs richesses, générant ainsi un nouveau tissu social, culturel et unificateur pour le continent.

Il y a quelques années, lors d’un congrès, le cardinal Walter Kasper s’est exprimé ainsi : « Des saints comme Martin, Benoît, Boniface, les frères Cyrille et Méthode, Adalbert, Bernard, François, Dominique et bien d’autres ont modelé l’histoire de l’Europe. Ces hommes saints et d’innombrables femmes saintes ont été la contribution précieuse de l’Église à l’unité et à l’identité de l’Europe ».

Ces personnes ont fait naître de nouvelles spiritualités, des mouvements spirituels, des familles religieuses, des centres culturels et ont promu des œuvres sociales qui ont fait progressivement grandir dans les populations européennes une identité fondée sur des valeurs communes.

Benoît de Nursie, Italie (480-547) est à l’origine de la première grande famille charismatique. Autour de lui est né le monachisme, en Occident après l’Afrique et l’Orient. C’est le monachisme bénédictin qui, dans ses multiples expressions historiques, a été un apport déterminant pour l’évangélisation du continent et a contribué en même temps à forger la culture européenne médiévale. C’est-à-dire qu’il a contribué au dialogue entre les valeurs, en conjuguant celles de la civilisation romaine avec les valeurs judéo-chrétiennes et avec les nouvelles cultures dites « barbares » introduites sur le continent par les populations du nord et de l’est apparues sur le territoire européen à des époques successives.

Les Bénédictins, avec leur diffusion capillaire et leurs grandes abbayes, ont créé des centres de spiritualité, mais aussi des centres de culture, de promotion humaine, de progrès social, de  développement économique, en se mettant principalement au service des pauvres et des marginaux.

En Europe de l’Est, au IXe siècle, deux autres moines, d’origine grecque, les frères Cyrille et Méthode, ne se limitèrent pas à évangéliser les populations, ils furent à l’origine d’un vaste processus que l’on peut considérer comme le fondement de la culture des peuples slaves. Pour ceux-ci, les deux frères venus de Salonique (Grèce) inventèrent un nouvel alphabet et apportèrent une contribution fondamentale à leur culture et à leur littérature.

Entre le XIe siècle et la première moitié du XIIe, se levèrent d’autres figures charismatiques de grande valeur culturelle. Parmi elles Bernard de Clairvaux qui, à partir de la souche bénédictine, fut à l’origine d’un autre mouvement, l’Ordre cistercien.

Le XIIIe siècle vit naître d’innombrables autres mouvements charismatiques : les Ordres mendiants, fondés eux aussi par des personnages charismatiques. Bien que créés dans une nation donnée, ils devinrent rapidement supranationaux et se répandirent dans tout le continent, puis dans le reste du monde.

Citons parmi eux surtout le mouvement dominicain,  fondé par un Espagnol, Dominique de Guzman (1170-1221) et le mouvement franciscain, né en Italie avec François d’Assise (1182- 1226). Des mouvements religieux, ancrés dans une profonde spiritualité, qui réussirent à inspirer et promouvoir de nombreuses composantes de la culture et du savoir humains. Ils développèrent la théologie, la philosophie, la littérature, les sciences et les arts. Durant ce siècle et ceux qui suivirent, toutes les universités européennes avaient des enseignants et des étudiants provenant des Ordres mendiants.

Avec l’avènement de l’Humanisme et de la Renaissance, se sont levés des États nationaux forts. Les mouvements charismatiques précédents ont apporté une contribution déterminante à ce processus, mais il y eut aussi, en même temps, une abondance de nouveaux charismes.

Le XVIe et le XVIIe siècle ont vu la naissance de nombreuses  familles religieuses. Ignace de Loyola et les jésuites. Thérèse d’Avila, Jean de la Croix et les carmélites en Espagne, mais aussi les Fatebenefratelli pour soigner les malades, avec Jean de Dieu. En France, Vincent de Paul et les sœurs de la Charité. François de Sales, Jean-Baptiste de la Salle pour la formation des jeunes et la création d’écoles accessibles à tous. Philippe Néri avec les Oratoriens, Girolamo Emiliani, Gaétan de Thiène, Camille de Lellis avec les hôpitaux, etc. en Italie. A la même période, de la souche franciscaine est née la réforme des Capucins. Et en Allemagne, la grande réforme de Martin Luther.

Et bien d’autres spiritualités qui, dès leur origine, ont apporté une contribution déterminante à l’identité culturelle, sociale et économique de l’Europe moderne. Chaque charisme, marqué par une forte identité spirituelle, se préoccupe aussi de résoudre les problèmes, les défis, les exigences sociales et humaines des peuples et des personnes. Ces apports ont permis à un nombre toujours plus important de citoyens européens l’accès à la culture, aux soins, au logement, aux droits de l’homme, à une économie et à une vie humaine dans la dignité.

Le même phénomène s’est répété aux XVIIIe et XIXe siècles. Malgré l’abolition des ordres religieux, d’abord par Napoléon, puis par quelques États européens, de nombreux autres Instituts et Familles religieuses ont vu le jour. On pense évidemment, en Italie, à Jean Bosco avec les Salésiens, au Cottolengo et au Cafasso auprès des malades et des plus pauvres. Et en Angleterre, à l’apport du cardinal John Henry Newman, etc.

Au XXe siècle, l’Europe a vu naître de nouveaux Instituts religieux comme ceux fondés par don Alberione, don Orione, mère Teresa de Calcutta, Édith Stein, Maximilien Kolbe et d’autres. Elle a vu  naître encore d’innombrables autres expressions de vie charismatique qui se sont manifestées comme de vastes Mouvements d’Église laïques. Chacun avec sa propre identité spirituelle doublée d’une attention spéciale aux dramatiques agressions causées par la modernité à notre continent.

Sans la contribution au fil des siècles des Ordres et Instituts religieux, sans la richesse des mouvements ecclésiaux nés dans les différentes Églises et communautés chrétiennes, l’Europe serait plus pauvre et plus fragile.

Ces forces spirituelles et charismatiques, bien que nées dans un lieu donné, ont œuvré depuis leurs origines au-delà des frontières nationales, offrant ainsi une contribution forte et décisive à la constitution d’une Europe unie, solide, libre, fraternelle et solidaire.

Fr Egidio Canil, Sacré-Convent des Franciscains à Assise, Italie

L’Europe telle que je l’imagine. La voix des jeunes

Depuis sa création, le rêve européen a été une occasion de surmonter les méfiances réciproques entre les peuples européens et les préjugés qui les ont accompagnées au cours des siècles.

Toutefois, dans l’histoire de l’intégration européenne, le chapitre « jeunes » a été souvent sacrifié au profit d’autres thèmes non moins importants, comme l’environnement ou les droits des travailleurs. Les choses ont commencé à changer dans les années 90 et 2000, quand ont été élaborés, d’une part, des programmes d’échanges pour les jeunes, dont le plus fameux est Erasmus, entre étudiants en université, et d’autre part, des programmes de soutien à l’emploi, comme Garanzia Giovani.

L’Europe est une perspective séduisante pour les jeunes. Beaucoup la voient comme une opportunité de créer vraiment une communauté plus vaste d’hommes et de femmes, qui puissent chercher des points de contact entre cultures et traditions ayant déjà aujourd’hui une forte racine commune. L’Europe est aussi une opportunité de travailler et de voyager, d’élargir ses horizons et de ne plus se sentir enfermés dans nos frontières nationales désormais étroites. Les manifestations des jeunes après le Brexit, demandant à pleine voix de revoir le vote sur l’appartenance à l’Union Européenne, nous en dit long sur l’attachement que de nombreux jeunes ressentent désormais vis-à-vis de notre continent et de nos valeurs.

D’autre part, on se trompe si on pense que chez les jeunes prédomine une vision de l’Europe optimiste et rassurante. Chaque jour, notre génération se demande si les promesses de bien-être matériel et spirituel, d’égalité entre les peuples européens et d’amour entre nos nations sont effectivement tenues. L’Italie a un taux de chômage des jeunes de 40% et, que ce soit la faute de nos gouvernements ou de l’Union Européenne, le fait est que là où il n’y a pas de travail, il n’y a pas non plus de dignité (comme l’ont affirmé Benoît XVI et le pape François). La réaction européenne à la crise économique et fiscale a été lente et insuffisante, aggravant les inégalités et générant bien des souffrances. Si jusqu’à ces 5 ou 6 dernières années, aucune voix ne se levait contre le projet européen, elles sont nombreuses aujourd’hui à vouloir s’éloigner de ce rêve, le considérant désormais comme irréalisable. Dans ce contexte, les jeunes se rendent parfaitement compte des problèmes, de façon très lucide. La « génération Erasmus » se détourne du rêve européen, comme le montrent les préférences de vote en Italie, en Espagne et en France.

Pourtant, la perspective pourrait changer et être renversée, dans les pensées de ceux qui gouvernent l’Europe, à cause de l’avenir des jeunes. Quel monde nous attend ? Une société divisée, injuste et marquée par la peur, ou bien une société qui soit unie et dont les citoyens vivent dans la sécurité, qui défend l’État de droit et envisage l’avenir avec espérance ? La différence entre avoir l’Europe et ne pas l’avoir se situe là. Pour préserver l’avenir des jeunes, nos gouvernants doivent faire quelques sacrifices. Nous ne parlons pas de réduire le nombre de voitures ni de baisser les salaires, objectif qui nous semble désormais atteint, avec un peu trop de zèle. Non, le véritable sacrifice est de renoncer au pouvoir pour un but plus élevé. Pourquoi, par exemple, n’a-t-on pas encore créé un ministère de l’économie européen ? Nous sommes une Union avec une monnaie et sans État. Pourquoi n’existe-t-il pas une diplomatie européenne ?

Conserver des relations diplomatiques officielles entre Pays qui font partie de ce qui est, à bien des points de vue, presque une confédération (et dont les ministres s’entendent tous les jours), c’est gaspiller de l’argent. Pourquoi n’existe-t-il pas de véritable élection pour le président de la Commission européenne ? Avoir la possibilité de voir, à la télévision ou sur les places, qui gouvernera l’Europe, pourrait engendrer une plus grande responsabilité en haut lieu et une plus grande conscience pour le peuple. Pourquoi ne fait-on pas cela, ou avance-t-on si lentement, presque avec lassitude ?

Le chrétien connaît la réponse, parce qu’il connaît bien la différence entre le pouvoir utilisé pour soi-même et le pouvoir qui a pour but la bonne gestion de la communauté, dont les responsables politiques se doivent de prendre soin. Les jeunes sont certainement prêts à soutenir le rêve européen, à la condition qu’il parte d’une communauté d’hommes et de femmes et non d’intérêts et de règlements. Ce n’est qu’avec un objectif commun et une conscience de partager le même destin et le même chemin que l’on peut accomplir l’indispensable saut culturel dont l’Europe a besoin. Un saut que l’on peut faire demain, parce qu’une fois encore, c’est le choix des hommes qui change le cours de l’histoire.

 

Federico Castiglioni (Rome, 17/11/88). Diplômé en Sciences politiques avec félicitations du jury à l’Université Rome 3 et actuellement doctorant en Études européennes à la même université. A publié plusieurs articles de vulgarisation et scientifiques, en italien et en anglais, toujours sur des thèmes liés à l’actualité européenne ou au rôle de l’Union Européenne dans le monde. Est responsable des relations externes des Jeunes Fédéralistes Européens (JEF Italy) et délégué au Forum italien des jeunes.

Zygmunt Bauman “Soif de paix”

« […] Toutes les étapes et les phases de l’histoire de l’humanité avaient un dénominateur commun : elles étaient caractérisées d’un côté par l’inclusion, de l’autre par l’exclusion.

Il s’effectuait une identification réciproque, à travers l’inclusion et l’exclusion. Le ‘’nous’’ pouvait se mesurer avec l’hostilité réciproque. Le sens du ‘’nous’’ était que nous ne sommes pas eux. Et le sens du ‘’eux’’ était qu’ils ne sont pas nous. Les uns avaient besoin des autres pour exister comme entité reliée l’une à l’autre et pour pouvoir s’identifier dans un lieu ou un groupe d’appartenance. Il en a été ainsi pendant toute l’histoire de l’humanité. Ce qui a causé de grandes effusions de sang. Une forme d’auto-identification qui naît de l’identification de quelque chose d’autre en ce qui concerne le prochain.

Nous nous trouvons aujourd’hui face à la nécessité inéluctable de la prochaine étape de cette histoire, dans laquelle nous sommes en train d’élargir la notion d’humanité. En parlant d’identité de soi, nous avons un concept de ce que nous incluons dans cette idée d’humanité mise ensemble.

Je dirais que nous nous trouvons devant un pas supplémentaire à accomplir qui demande l’abolition du pronom ‘’eux’’. Jusqu’à ce jour, nos ancêtres avaient quelque chose en commun : un ennemi. Maintenant, face à la perspective d’une humanité globale, où le trouvons-nous, cet ennemi ?

Nous nous trouvons dans une réalité cosmopolite et donc tout ce qui est fait, même dans le coin le plus reculé du monde, a un impact sur le reste de notre planète et sur les perspectives d’avenir. Nous sommes tous dépendants les uns des autres et on ne peut pas revenir en arrière. […] »

Zygmunt Bauman, sociologue et philosophe, 18-09-2016, Assise (Italie), à l’Assemblée d’ouverture de la rencontre « Soif de paix ».

 

 

 

Sergio Mattarella et l’Europe des jeunes

« […] Je voudrais maintenant m’adresser surtout aux jeunes.

Je sais bien que votre dignité est aussi liée au travail. Et je sais bien qu’aujourd’hui, dans notre pays, si pour les adultes le travail est insuffisant, souvent précaire et parfois sous-payé, il l’est encore davantage pour vous. Votre génération est plus instruite que toutes celles qui vous ont précédé. Vous avez des connaissances et de grandes potentialités. La possibilité d’être acteurs de la vie sociale doit vous être assurée.

Beaucoup d’entre vous étudient ou travaillent dans d’autres pays d’Europe. C’est souvent une grande opportunité, mais ce doit être un choix libre. Si on est contraint de quitter l’Italie par manque de travail, on se trouve face à une pathologie qui a besoin qu’on y porte remède.

Les jeunes qui décident de le faire méritent toujours respect et soutien.

Et quand on ne peut pas ramener dans le pays l’expérience mûrie à l’étranger, c’est toute la société qui est appauvrie.

En février dernier, dans une université de New York, j’ai rencontré des étudiants de tous les continents. Une jeune a commencé son intervention en disant qu’elle se sentait citoyenne européenne, en plus d’être italienne.

De nombreuses expériences de jeunes qui partagent des valeurs, des idées, une culture, avec d’autres jeunes Européens disent à l’évidence que l’Europe n’est pas simplement le produit de quelques traités. Elle est un continent qui, après avoir été pendant des siècles divisé par des guerres et des inimitiés, a choisi un chemin de paix et de développement commun.

Ces jeunes comprennent qu’il vaut mieux affronter ensemble les choix à faire pour notre temps. Ils comprennent encore mieux la valeur de l’intégration européenne pacifique face à la tragédie des enfants d’Alep, aux milliers de personnes noyées en Méditerranée et à toutes les guerres qui se déroulent dans le monde. Ils n’acceptent pas que l’Europe, en se contredisant, se montre divisée et inerte, comme c’est le cas avec l’immigration.

De l’Union européenne, nous attendons des gestes de solidarité concrète sur les problèmes de la répartition des réfugiés et de la gestion respectueuse de la dignité des personnes pour le rapatriement de ceux qui n’obtiennent pas le droit d’asile. […] »

Sergio Matarella, président de la République italienne, discours à la Nation, 31-12-2016

 

 

Nouveaux horizons après l’événement de Lund (Suède)

Un anniversaire en communion

« C’est pour moi une grande joie d’être ici aujourd’hui, à rendre témoignage de l’œuvre de l’Esprit Saint qui sème l’unité parmi des disciples de Jésus.

L’Esprit Saint, selon les paroles de Martin Luther : ‘’appelle toute la chrétienté sur la terre, la rassemble, l’éclaire, la sanctifie et la maintient en Jésus-Christ, dans l’unique vraie foi’’.

Aujourd’hui, à Lund et à Malmö, nous expérimentons le miracle moderne de l’Esprit Saint, comme les disciples en ont fait l’expérience dans ma ville natale de Jérusalem, il y a deux mille ans. Aujourd’hui, tandis que nous nous réunissons pour exprimer notre espérance d’unité, nous nous rappelons la prière sacerdotale du Christ : « que tous soient un […], afin que le monde croie que tu m’as envoyé » (Jn 17,21). Remercions le Dieu Un et Trine parce que nous sommes en train de passer du conflit à la communion. La rencontre historique d’aujourd’hui envoie au monde entier ce message : les engagements religieux poursuivis avec force peuvent amener à une réconciliation pacifique au lieu d’apporter davantage encore de conflits dans notre monde déjà tourmenté. Quand des membres d’une religion travaillent à l’unité et à la réconciliation, la religion peut promouvoir la prospérité de toutes les communautés humaines. […] »

Extrait du discours de l’évêque Munib Younan, président de la Fédération luthérienne mondiale, Lund (Suède), 31-10-2016

 

Un anniversaire en communion – Commémoration du 500e anniversaire de la Réforme

Dans un article paru dans l’Osservatore Romano (17/01/2017), le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, explique le sens de la commémoration commune entre catholiques et luthériens du cinquième centenaire de la Réforme.

Le cardinal Koch rappelle la prière œcuménique du pape François à Lund (Suède), le 31 octobre 2016, avec l’évêque Munib Younan, président de la Fédération mondiale luthérienne (LWB), à l’occasion de la commémoration de la Réforme. La prière historique « n’a pas toujours été accueillie avec gratitude, elle a aussi rencontré critiques et oppositions. Du côté catholique, on a craint une dérive protestante du catholicisme. Du côté protestant, on a parlé de trahison de la Réforme ». Au lieu de cela – fait observer le cardinal Koch – la commémoration de cet anniversaire « se présente aux deux parties comme une invitation bienveillante à dialoguer sur ce que les catholiques peuvent apprendre de la Réforme et sur ce que les protestants peuvent tirer de l’Église catholique comme enrichissement pour leur propre foi », en dépassant toute partialité et polémique.

Martin Luther « ne voulait absolument pas la rupture avec l’Église catholique ni la fondation d’une nouvelle Église, mais il avait à l’esprit le renouveau de la chrétienté tout entière dans l’esprit de l’Évangile. […] Le fait qu’à ce moment-là son idée de réforme n’ait pas pu se réaliser est dû pour une bonne part à des facteurs politiques ».

La commémoration de 2017 – souligne encore le cardinal – doit donc être comprise « comme une invitation à revenir à la préoccupation originelle de Luther » à la lumière de trois concepts-clefs : la gratitude pour les 50 années d’intense dialogue entre catholiques et luthériens, un repentir public accompagné d’une purification de la mémoire historique, et l’espérance qu’une commémoration commune de la Réforme puisse permettre « d’accomplir de nouveaux pas vers une communion ecclésiale engageante. Cette dernière doit demeurer l’objectif de tout  effort œcuménique et c’est donc aussi précisément ce que doit viser la commémoration de la Réforme. Après 500 ans de division, après avoir vécu pendant une longue période en mode opposé ou parallèle, nous devons apprendre à vivre les uns avec les autres en étant liés plus solidement, et nous avons à le faire déjà aujourd’hui ».

( résumé de Beatriz Lauenroth )

Le rêve de pape François

A l’occasion de la remise du prix Charlemagne, à Rome, le 6 mai 2016, le pape François a fait part de son rêve pour l’Europe

(…) Avec l’esprit et avec le cœur, avec espérance et sans vaine nostalgie, comme un fils qui retrouve dans la mère Europe ses racines de vie et de foi, je rêve d’un nouvel humanisme européen, d’« un chemin constant d’humanisation », requérant « la mémoire, du courage, une utopie saine et humaine ».

Je rêve d’une Europe jeune, capable d’être encore mère : une mère qui ait de la vie, parce qu’elle respecte la vie et offre l’espérance de vie.

Je rêve d’une Europe qui prend soin de l’enfant, qui secourt comme un frère le pauvre et celui qui arrive en recherche d’accueil parce qu’il n’a plus rien et demande un refuge.

Je rêve d’une Europe qui écoute et valorise les personnes malades et âgées, pour qu’elles ne soient pas réduites à des objets de rejet improductifs.

Je rêve d’une Europe où être migrant ne soit pas un délit mais plutôt une invitation à un plus grand engagement dans la dignité de l’être humain tout entier.

Je rêve d’une Europe où les jeunes respirent l’air pur de l’honnêteté, aiment la beauté de la culture et d’une vie simple, non polluée par les besoins infinis du consumérisme ; où se marier et avoir des enfants sont une responsabilité et une grande joie, non un problème du fait du manque d’un travail suffisamment stable.

Je rêve d’une Europe des familles, avec des politiques vraiment effectives, centrées sur les visages plus que sur les chiffres, sur les naissances d’enfants plus que sur l’augmentation des biens.

Je rêve d’une Europe qui promeut et défend les droits de chacun, sans oublier les devoirs envers tous.

Je rêve d’une Europe dont on ne puisse pas dire que son engagement pour les droits humains a été sa dernière utopie. Merci.

Remise du prix Charlemagne, extrait du discours du pape François, Rome, Salle Royale, Vendredi 6 mai 2016

Pour lire le texte intégral : //w2.vatican.va/content/francesco/fr/speeches/2016/may/documents/papa-francesco_20160506_premio-carlo-magno.html

 

Un point de vue français

60 ans après le Traité de Rome, un point de vue français

Nous y sommes ! Nous n’y sommes pas tous, mais nous sommes tout de même arrivés à 28 pays pour fêter les 60 ans de l’Europe. Le 25 mars 1957, date du Traité de Rome, seuls 6 pays ont signé la création de la Communauté Européenne, qui deviendra l’Union Européenne à partir de 1993. Parmi les 6 pays fondateurs, il y avait la France avec toute sa conviction. Conduits par l’ide de Jean Monnet, qui a trouvé un écho grâce à la voix de Robert Schuman, les Français ont accepté la grande idée européenne.

Vue comme un instrument de paix et de stabilité, l’idée d’Europe était au service des pays pour une reconstruction rapide et plus facile du continent. L’Europe a aussi (et peut-être surtout) été considérée par la France et par ses dirigeants successifs comme un tremplin vers un pouvoir et une influence plus larges, parce que de dimension européenne. L’amour envers la patrie française, la défense des valeurs nationales et l’influence de la France dans le monde ont caractérisé l’action de la France dans le processus d’intégration européenne. Comme l’a rappelé le général de Gaulle en 1954 : toucher à la souveraineté française ne faisait pas partie du « contrat européen », et la France l’a montré jusqu’à aujourd’hui.

Cependant, les grands pères fondateurs français, qui aimaient l’Europe autant que la France, ont heureusement laissé une descendance fertile. De nombreux présidents français, Valéry Giscard d’Estaing en tête, ont continué à se dépenser pour la cause européenne. Giscard d’Estaing, reprenant les discours pleins d’espérance des pères fondateurs, a laissé rêver (comme Jacques Delors) d’une Union Européenne politique : une union des peuples européens, mais une union respectueuse de la différence de chaque culture et religion.

En 2005, avec le référendum sur la constitution européenne, les Français ont cependant rappelé que, si la politique et les dirigeants peuvent faire beaucoup, ils ont impuissants sans le consensus populaire. Car le référendum pour la constitution européenne a été repoussé par la majorité des Français. L’expérience de 2005 est assurément la démonstration la plus claire du point de vue français sur l’Union. C’est un refrain que les Français entonnent souvent : si l’Union Européenne est nécessaire, avoir davantage d’Europe, « ce serait trop ». Pourquoi trop ? Parce que les Français, comme nombre d’autres peuples européens, ont peur d’être englobés dans une Europe supranationale, où il n’y aurait plus de distinction entre un Français et un Italien, où la particularité et la souveraineté de chaque pays seraient absorbées par un grand « Tout Européen ».

Si les Français acceptent l’Europe aujourd’hui, c’est parce qu’ils sentent valorisés leur identité et leur ordre socio-économique. Mais plus encore, les Français acceptent l’Europe parce qu’ils partagent les valeurs primaires qui sont à la base de l’Europe de 1957 : la solidarité, le partage, la liberté, la paix et la fraternité entre les peuples. Toutes ces valeurs, donc, qui sont pour la plupart de provenance chrétienne et qui sont ce que les Français voient dans l’Europe. Abandonnant les implications religieuses, ils se sentent attachés à ces fondements moraux  qui sont la base de l’Europe d’aujourd’hui. Même si penser ces valeurs et les revendiquer ne veut pas toujours dire les appliquer – nous le voyons dans l’actuelle crise des réfugiés – il n’en demeure pas moins que les Français se sentent une partie constituante de cette réalité européenne.

Le 25 mars 2017, Rome célèbrera les 60 ans du Traité de Rome. Cet anniversaire nous rappelle que l’Europe est jeune ! Les divers événements, les congrès et la marche pour l’Europe seront les moments forts. Au-delà de la nécessité de la relance de la politique européenne, ce sera aussi l’occasion de rappeler les valeurs chrétiennes qui sont communes à tous les peuples européens. Ces valeurs seront, selon moi, la base de la relance européenne, parce qu’elles sont actuellement les seules qui ne sont pas source de peur, mais d’unité.

 

 

Marie Trélat, étudiante française à Sciences Po Paris, spécialisée en Union Européenne, en particulier l’Europe centrale et l’Europe de l’Est. Vit actuellement à Rome (projet Erasmus) et fréquente l’Université LUISS Guido Carli. Membre de la GFE-Rome (Jeunesse Fédéraliste Européenne), s’occupe du bureau des relations internationales de la section de Rome. A travaillé pendant 5 mois à la rédaction française de Radio Vatican.

Un point de vue d’Allemagne

60 ANS « TRAITÉ DE ROME » 24-25 mars 2017

Le 25 mars 1957, avec la volonté commune de créer les fondements d’une collaboration étroite entre les pays européens, et décidés à sauvegarder le développement économique et social de chaque pays à travers une action commune, qui pourra abolir les barrières qui divisent l’Europe et sauvegarder et consolider la paix et la liberté, six pays européens (Allemagne, France, Italie et les pays du Benelux) ont décidé de créer une « Communauté Économique » basée sur ces fondements de paix, réconciliation et collaboration, ainsi que mentionné au début du contrat.
En même temps, tous les autres États européens sont invités à « se joindre à cet effort ».
La fondation de la « Communauté Économique Européenne » (CEE) allait beaucoup plus loin qu’une recherche d’avantages, parce que dès le début des années cinquante, le ministre des Affaires Étrangères français Robert Schuman (1886-1963) expliquait que la paix en Europe ne pouvait être suffisamment assurée que si les pays réussissaient à contrôler ensemble les ressources minières utilisées pour la guerre, comme le charbon et l’acier.
De plus, dans ce contrat, l’Allemagne est acceptée comme un partenaire équivalent, 12 ans seulement après la fin de la guerre.
Ceci marquait un pas décisif vers la réconciliation sur le continent européen, dans lequel la France et l’Allemagne avaient un rôle déterminant.
Depuis 1992, l’Union Européenne répond en faisant l’union politique du continent. Ce qui ne serait pas pensable sans considérer le contrat signé à Rome sur la « Communauté Économique Européenne », c’est-à-dire le « Traité de Rome ».
Ce contrat est à comprendre comme un acte de naissance de l’Europe unie, même si, dans les détails, il s’occupe de dispositions telles que l’importation, l’exportation, les relations avec les douanes, les tribunaux, l’orientation de la politique économique, la libre circulation des marchandises et la création de commissions.
L’intention avec laquelle tout cela a été établi est importante et est expliquée très clairement dans le préambule : Une Union pour éliminer les barrières, conserver la paix et la liberté, promouvoir le développement et améliorer ainsi les conditions de vie des personnes en Europe, et ceci avec ceux qui étaient ennemis pendant la guerre.

 

 

Sœur Ph. D. Nicole Grochowina, de la Christusbruderschaft de Selbitz (Allemagne), professeur d’histoire moderne à l’Université d’Erlangen-Nuremberg depuis 2012. Membre du Comité d’Orientation d’Ensemble pour l’Europe et du Comité des experts en œcuménisme de l’Église évangélique bavaroise.

Un point de vue d’Italie

LE TRAITÉ DE ROME ET L’UNION EUROPÉENNE

Le 25 mars 1957 a été signé le Traité de Rome, considéré comme l’acte fondateur de la grande famille européenne. Le premier document signé institue une Communauté Économique Européenne (CEE), le second est l’Euratom, pour la recherche commune sur un usage pacifique de l’énergie nucléaire.
Le Traité CEE réunit les États signataires, la France, l’Allemagne, l’Italie, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas en une Communauté, avec pour objectif, comme le rappelle l’article 2, de créer un marché commun et de favoriser la transformation des conditions économiques des échanges et de la production dans la Communauté.
Il a aussi un objectif plus politique : contribuer à la construction fonctionnelle de l’Europe politique, vers une unification plus ample de l’Europe. Comme le déclarent dans le préambule les signataires du Traité : « être déterminés à établir les fondements d’une union toujours plus étroite entre les peuples européens ».
Le Traité de Rome avait été précédé, en 1951, par la signature du Traité de Paris, qui constituait la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) : par le contrôle commun de ces industries, on entendait éviter le réarmement unilatéral de l’un des États membres.
En fait, la tentative de promouvoir l’union européenne au niveau politique et économique est née d’un désir qui a vu le jour après la seconde guerre mondiale : associer les États européens de manière à rendre impossible une autre guerre.
« Pour la paix future, la création d’une Europe dynamique est indispensable… Il faut abandonner les voies du passé et entrer dans une voie de transformation… L’Europe n’a jamais existé. Ce n’est pas la somme de souverainetés réunies en conseil qui crée une entité. Il faut vraiment créer l’Europe » (Jean Monnet, Memorandum, 3 mai 1950).
« La paix mondiale ne saurait être sauvegardée sans efforts créatifs à la hauteur des dangers qui la menacent. La contribution que peut fournir à la civilisation une Europe organisée et vivante est indispensable au maintien des relations pacifiques…
L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait » (Robert Schuman, 9 mai 1950).
« Reconstruisons la paix à l’intérieur et à l’extérieur. Et surtout, pour l’obtenir, donnons un témoignage de discipline, d’ordre, de bonne volonté, de travail, cherchons la meilleure répartition possible des biens de la terre, pour surmonter les difficultés qui sont naturelles, mais surmontables si les hommes sont prêts au sacrifice et savent qu’il faut, pour gagner, avoir une foi absolue en la Providence divine » (Alcide De Gasperi, 20 avril 1950).

Les hauts et les bas de l’Union européenne, entre élans extraordinaires et brusques coups de frein, ont amené au cours des années à la signature d’autres traités (//www.politicheeuropee.it/comunicazione/?c=Version-francaise) avec la création des diverses institutions comme le Parlement européen, la Commission européenne, le Conseil de l’Europe et ainsi de suite.

 

 

Maria Bruna Romito, Mouvement des Focolari, diplômée en histoire. A vécu en Hongrie de 1989 à 2000, enseignant l’italien et l’histoire à l’université catholique de Budapest. Vit actuellement à Rome et travaille au Conseil Pontifical de la Culture.

L’Europe sous les projecteurs des jeunes

L’Europe ? Ombres et lumières… et beaucoup à donner. 

Une soirée avec des jeunes du monde entier au siège du Secrétariat international d’Ensemble pour l’Europe.

Atmosphère de joyeuse attente : ils arrivent enthousiastes et l’esprit ouvert, mais en même temps sérieux et conscients que parler de l’Europe aujourd’hui est quelque chose d’important. Au siège d’Ensemble pour l’Europe, fin avril, la soirée commence avec un appétissant plat typique de leur confection et une pizza très italienne. Ils sont 8 jeunes, étudiants ou jeunes professionnels, Européens ou non, originaires de Hongrie, de Slovaquie, du Brésil, du Kenya, du Nigeria et des Philippines. Nous nous sommes laissés surprendre et enrichir en écoutant leurs différentes visions de l’Europe, avec ombres et lumières. Ils ont manifesté un grand intérêt pour le prochain rassemblement de Munich : « Rencontre. Réconciliation. Avenir » et leur désir d’y apporter leur contribution pour que le vieux continent fasse pleinement fructifier les richesses de sa tradition et de sa culture, inspirant ainsi leurs pays respectifs et toute l’humanité.

En regardant le programme prévu, nous nous sommes bien entendu arrêtés – pour écouter des extraits – sur les différents groupes de musique qui seront présents le 2 juillet 2016 sur la grande place de Munich. L’une des chansons au programme semblait très significative : Wir sind eins (Nous sommes un) > //www.youtube.com/watch?v=Y4zX98_Sr4s

D’ici le rendez-vous de Munich, ces jeunes s’engagent de toutes les manières. Ils ont tout de suite proposé d’inviter leurs amis et connaissances et de diffuser l’invitation sur les réseaux sociaux et tous autres moyens disponibles.

En juillet, certains seront retournés dans leur propre continent, mais Marcos, Marie et Szabina iront à Munich, en tant que constructeurs actifs de l’Europe dès maintenant.

L’équipe du Secrétariat international d’Ensemble pour l’Europe

ENSEMBLE à Rome

ENSEMBLE à Rome

Début janvier, quelques représentants d’Ensemble pour l’Europe ont été reçus à Rome par le cardinal Koch et les responsables du secrétariat du Conseil Pontifical pour l’Unité des chrétiens. Le dialogue s’est déroulé dans un climat très ouvert.

Gerhard Pross, (YMCA Esslingen), Diego Goller (Mouvement des Focolari), Cesare Zucconi (Sant’Egidio), le père Heinrich Walter (Schönstatt), Thomas Römer (YMCA Munich) et Heike Vesper (Mouvement des Focolari) ont apprécié la disponibilité et l’ouverture du cardinal Koch. Au cours de la rencontre, celui-ci a souhaité que l’on implique davantage l’Église orthodoxe dans le processus de préparation de la rencontre de Munich en juin-juillet prochain. Invité à apporter sa contribution à l’événement, il a offert sa disponibilité à se rendre en Allemagne pour un colloque préliminaire, vu que la plupart des intervenants proviennent de ce pays.

Cette journée de rencontres à Rome s’est terminée par une visite personnelle au cardinal Kasper. Cet entretien a été lui aussi très ouvert et constructif. Gerhard Pross confie : « Le cardinal Kasper nous a accompagnés et suivis plus que tout autre pendant ces 15 dernières années. Il s’est déclaré disponible pour intervenir lors du Congrès. Le fait qu’il nous ait ensuite partagé quelques sujets qui l’occupent actuellement nous a semblé un signe évident de la relation de confiance qui s’est établie au fil des années ».